Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/259

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— En beaucoup de choses. La première chose qui m’a donné à penser, c’est la lecture de vos journaux. La manière dont les hommes parlent l’un de l’autre dans ces feuilles est étrange, et pour moi je m’étonne qu’au bout de l’année il en reste encore quelques-uns pour recommencer le même jeu l’année d’après. Ma foi, colonel Littlepage…

— Je ne suis pas colonel, pas même enseigne, vous confondez avec quelque autre membre de ma famille.

— Vous devriez l’être monsieur, et je ne vous ferai pas l’injure de vous donner un titre inférieur. J’ai connu dans l’ouest des hommes qui n’avaient pas un quart de votre mérite et qu’on appelait des généraux. J’ai chassé dans les Prairies pendant vingt-cinq ans, j’ai traversé six fois les lacs supérieurs, et je sais aussi bien que tout autre ce que l’on doit à un gentleman. Ainsi donc, comme je le disais, colonel Littlepage, si dans les Prairies les hommes partaient sur eux comme ils impriment ici, les scalps deviendraient si abondants qu’ils perdraient considérablement de valeur. Je ne suis pas du tout rancunier ; mais mes sentiments ont été blessés de ce que j’ai entendu lire ; car quant à lire moi-même, c’est une chose à laquelle je ne veux pas condescendre. Cela m’avait un peu préparé à trouver les choses différentes de ce qu’elles étaient autrefois, et en cela je ne me suis pas trompé. Ce sont les vieilles idées qui sont un peu bouleversées.

— Je ne suis pas étonné d’entendre cela, et je suis disposé à penser avec vous que les nations qui peuvent résister à une presse aussi dégradée que celle de notre pays, doivent être composées d’êtres supérieurs à l’homme. Mais venons aux affaires ; vous devez connaître quelque chose de ces fous sauvages, de ces hommes qu’on appelle anti-rentistes ?

— Un peu oui, un peu non. Je ne puis comprendre qu’un homme qui est convenu de payer une rente ne veuille pas la payer. Un marché est un marché, et la parole d’un gentleman est aussi bonne que sa signature.

— Cette opinion surprendrait quelques personnes parmi nous, y compris nos législateurs. Ils paraissent croire que la valeur morale d’un engagement dépend de la volonté des parties.

— Un mot, s’il vous plaît, colonel. Écoute-t-on aussi volontiers les plaintes des propriétaires du sol que celles de ceux qui l’ont pris à bail ?