Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/286

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étaient si communs parmi les fanatiques religieux des colonies américaines au dix-septième siècle, lorsqu’on brûlait les sorcières, qu’on pendait les quakers, qu’on dénonçait tout le monde excepté le petit nombre d’élus, suivent encore aujourd’hui leur cours naturel, et produisent des hostilités sans cesse renaissantes.

M. Warren était un prédicateur populaire, malgré la défaveur généralement attachée à sa secte. Une population provinciale et pleine de préjugés est naturellement disposée à regarder avec aversion tout ce qui diffère de ses opinions et de ses habitudes ; et le seul fait d’appartenir à une église qui admettait des évêques, était considéré comme une preuve que la secte favorisait l’aristocratie et les classes privilégiées. Il est vrai que presque toutes les autres sectes avaient établi dans leurs églises des ordres hiérarchiques sous le nom de ministres, d’anciens et de diacres, et s’exposaient par conséquent à la même critique ; mais enfin ils ne reconnaissaient pas d’évêques, et dans des cas de cette nature on n’est choqué que de ce qu’on n’a pas soi-même. Malgré ces obstacles à la popularité, M. Warren commandait le respect à tous ceux qui l’environnaient ; et, chose étrange, ce qui y ajoutait c’est que de tous les ecclésiastiques du voisinage, il avait été le seul qui eût osé combattre l’esprit de convoitise qui régnait et que la haute morale des intéressés appelait l’esprit des institutions. Cette conduite courageuse avait donné lieu à des menaces et à des lettres anonymes, armes ordinaires des poltrons et des hommes vils ; mais elle avait aussi ajouté au poids de sa parole, et mérité la secrète déférence de beaucoup de gens qui se seraient montrés bien différents envers lui, si c’eût été en leur pouvoir.

Ma grand’mère et mon oncle avaient déjà pris place, lorsque nous entrâmes dans l’église. Mary Warren accompagnée de ma sœur, se dirigea vers le banc réservé au ministre, tandis que leurs deux compagnes, pénétrant dans le chœur, prirent leurs places accoutumées. Je m’avançai le dernier, et pour la première fois de ma vie, je me trouvai assis sous le dais objet de tant d’accusations. Par ce mot « dais » le lecteur ne doit pas se représenter des draperies festonnées, des couleurs éclatantes, et des broderies dorées ; notre ambition ne s’éleva jamais si haut. Voici à quoi se bornaient les distinctions entre notre banc et les autres. D’abord, il était plus grand que ceux qui l’entouraient, avantage que chacun aurait pu se procurer en payant ; ensuite, il était surmonté d’un balda-