Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/288

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rique : « Tout le monde dit. » L’on dit français n’est qu’un pauvre, un misérable instrument placé à côté de ce vaste levier qui, comme celui d’Archimède, n’a besoin que d’un point d’appui pour remuer le monde. La rumeur américaine a une certaine omnipotence qui repose non pas sur l’esprit mais sur le caractère des institutions. Dans un pays où le peuple gouverne, « tout le monde veut que son « dire » ne soit pas considéré comme rien. Si peu de gens mettent en doute la justice des décisions populaires, que l’Écriture sainte elle-même n’a pas la moitié de l’influence qu’exercent ces rumeurs lorsqu’une fois elles sont accréditées. Peu de personnes osent y résister, moins encore osent en contester la vérité, quoique, dans la plupart des cas, elles soient rarement justes. Elles font et défont les réputations ; pour un certain nombre, bien entendu, elles font même et défont les patriotes. Chacun sait néanmoins qu’il n’y a aucune durée, aucune fixité dans ce que « tout le monde dit, » et que souvent ou plutôt toujours, tout le monde dédit ce qui a été dit six mois auparavant ; et cependant on se soumet à l’autorité de ces dires aussi longtemps qu’ils durent. La seule exception à cette règle, et qui vient encore la confirmer, se rencontre dans les discussions politiques, lorsqu’il y a une contradiction manifeste dans ce que tout le monde dit d’une part et tout le monde dit de l’autre, lorsque souvent même il y a une demi-douzaine de rumeurs toutes différentes entre elles.

J’étais là sur mon banc, comme je le disais, le point de mire de tous les yeux, simplement parce qu’il convenait à ceux qui désiraient m’enlever ma propriété d’élever contre moi de faux bruits dont aucun, je suis heureux de le dire, n’avait le moindre fondement. Toutefois une observation attentive me prouva que la plus grande partie des hommes réunis dans l’église n’appartenait pas à la paroisse. La curiosité ou quelque sentiment plus dangereux avait triplé en ce jour le nombre des auditeurs de M. Warren, ou plutôt de mes surveillants.

Il n’y eut cependant d’autre interruption dans le service que celle qui pouvait résulter des maladresses de tant de gens étrangers, au rite. Le respect habituel accordé aux cérémonies religieuses suffit pour maintenir l’ordre, et, malgré les sentiments d’égoïsme et de méchanceté qui dominaient, je restai à l’abri de toute violence et de toute insulte. Quant à mon caractère et à mes dispositions, on ne me connaissait que peu ou point à Ravensnest.