Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/30

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la question comme si les tenanciers avaient vraiment quelque raison de se plaindre, quand, en réalité, tous leurs griefs venaient de ce fait qu’un autre ne veut pas les laisser disposer de sa propriété selon leur volonté ; ensuite, un de ces gouverneurs a été assez généreux pour suggérer un certain mode de transiger sur ces disputes, ce qui n’est nullement dans ses attributions, puisqu’il y a des tribunaux pour régler ces affaires et ce qui ressemble beaucoup plus à l’aristocratie, ou même à la monarchie, que tout ce qui a rapport aux tenures à bail.

— Qu’a donc pu faire cet homme ?

— Il a proposé que les Rensselaer reçoivent de chaque tenancier une somme d’argent dont l’intérêt serait égal à la valeur de la rente actuelle. Or, voici un citoyen qui a autant de propriétés qu’il lui en faut, et qui désire vivre dans un autre but que d’accumuler. Cette propriété, non-seulement lui offre pour le placement de ses fonds toute sécurité et un revenu convenable, mais encore elle se trouve liée à des souvenirs, aux meilleurs sentiments de la nature : elle lui vient de ses ancêtres qui l’occupent depuis deux siècles, elle est historiquement attachée à son nom ; il y est né, il y a vécu, il espère y mourir. Et parce que le premier venu qui a pris un intérêt dans quelqu’une de ses fermes six mois auparavant, a la fantaisie de n’avoir plus de propriétaire, et désire avoir une ferme en propriété, le gouverneur du grand État de New-York jette dans la balance le poids de sa position-officielle contre le propriétaire héréditaire du sol, en engageant solennellement celui-ci à vendre ce qu’il ne désire pas vendre, et cela pour un prix qui est beaucoup au-dessous de la valeur pécuniaire.

— Le pire de l’affaire, c’est que chacun des Rensselaer a une maison sur son domaine, située de la manière la plus convenable pour surveiller ses intérêts, lesquels intérêts devront changer de nature en lui laissant sur le dos sa maison devenue inutile parce qu’il plaît à une des parties dans un contrat équitable de se faire de meilleures conditions que celles qu’il a souscrites. Je voudrais savoir l’emploi que Son Excellence conseille aux propriétaires de faire de leur argent lorsqu’ils l’auront touché. Faudra-t-il acheter de nouveaux domaines, bâtir de nouvelles maisons, pour en être dépossédé lorsqu’il plaira aux nouveaux fermiers de crier à l’aristocratie, et de prouver leur amour pour la démocratie en expulsant les autres pour se mettre à leur place ?