Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/39

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arrêtâmes un plan qui devait concilier nos intérêts avec la prudence requise. Comme notre décision devait avoir des conséquentes graves pour mon avenir, je vais raconter brièvement les raisons qui nous portèrent à l’adopter.

Il était de la dernière importance pour nous de visiter Ravensnest en personnes mais il pouvait être périlleux de le faire ouvertement. Notre maison était située au centre même du domaine, et dans l’incertitude où nous étions sur les dispositions des tenanciers, il devenait téméraire de faire connaître notre présence et les circonstances favorisaient notre secret. Nous ne devions arriver que vers l’automne, et cela nous donnait la facilité d’atteindre notre propriété sans être aperçus. Nos arrangements étaient donc très-simples et seront bientôt connus dans le cours de notre récit.

Notre traversée fut passablement prompte, n’ayant pris que vingt-neuf jours d’un continent à l’autre. Ce fut dans une jolie soirée de mai que nous aperçûmes les hauteurs de Navesink ; et une heure plus tard nous étions en vue des blanches voiles des caboteurs rassemblés dans le voisinage de la pointe de terre appelée Sandy-Hook. Bientôt après, les phares semblèrent graduellement sortir de l’eau, et le rivage entier de New-Jersey se dégagea des brouillards, jusqu’à ce que nous fûmes assez près pour être accostés par un pilote. Mon oncle Ro fit aussitôt son marché pour être conduit jusqu’à la ville.

Nous prîmes terre au pied de la batterie au moment où les horloges de New-York sonnaient huit heures. Un officier de douanes avait examiné nos sacs de nuit, et nous avions laissé nos gros effets sur le bâtiment, en priant le capitaine de les surveiller. Chacun de nous avait une maison dans la ville mais ni l’un ni l’autre nous ne voulions nous y présenter. La mienne était surtout réservée comme résidence d’hiver pour ma sœur et une tante qui se chargeait d’elle durant la saison tandis que celle de mon oncle était consacrée à sa mère. À cette époque, nous étions portés à croire qu’aucune des deux n’était occupée, si ce n’est par un ou deux domestiques ; et il nous était nécessaire aussi d’éviter ceux-ci. Mais Jack Dunning, ainsi que l’appelait toujours mon oncle, était plutôt un ami qu’un agent, et il avait dans Chamber-Street un établissement de garçon qui devait faire précisément notre affaire. Ce fut là que nous nous dirigeâmes, en prenant le