à notre mois de septembre. La saison était fort avancée pour se trouver sous une latitude aussi élevée, quoiqu’il ne fût pas absolument dangereux d’y rester encore quelques semaines.
Pendant que nos marins se trouvent au milieu des glaces de la mer Antarctique, un grand changement s’est opéré dans les pensées du diacre et de sa nièce. Quand le capitaine Gardiner était parti, on croyait que son absence ne dépasserait pas une saison. Tous ceux qui avaient des parents et des amis à bord du schooner y avaient compté, et grande fut leur anxiété quand les premiers mois de l’été ne ramenèrent point les aventuriers. Les semaines suivaient les semaines, et le vaisseau ne revenait pas ; l’inquiétude était devenue de l’appréhension. Le diacre Pratt gémissait à l’idée de la perte dont il était menacé, trouvant peu de consolation dans le profit qu’il avait tiré de l’huile de baleine ; ce qui arrive toujours aux avares quand leur cœur est une fois dominé par la pensée du gain. Quant à Marie, le poids qui pesait sur son cœur ne faisait qu’augmenter de jour en jour ; les sourires qui faisaient rayonner sur ses traits une douce et innocente joie avaient disparu, et on ne la vit plus sourire. Et cependant elle ne se plaignait jamais ; elle priait beaucoup, et elle trouvait toute sa consolation dans des occupations qui se rapportaient à ses sentiments ; mais elle parlait rarement de son chagrin ; jamais, excepté dans des moments de faiblesse, lorsqu’il lui fallait supporter les lamentations de son oncle se plaignant de ses pertes.
Le mois de novembre est ordinairement orageux sur les côtes de l’Atlantique. Dans un endroit comme Oyster-Pond, on est exposé aux coups de vents de l’Océan à peu près autant que si l’on était à bord d’un vaisseau sur mer, et Marie sentait qu’aux douces brises de l’été avaient succédé les vents plus violents de l’automne. Quant au diacre, sa santé fléchissait sous le poids de ses inquiétudes. Il vieillissait avant l’âge, et sa nièce avait consulté le docteur Sage à son sujet. L’excellente fille voyait avec chagrin que son oncle devenait de plus en plus mondain, et que son amour des richesses augmentait à mesure que la vie lui échappait et qu’il approchait de cette heure où le temps fait