Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/224

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place à l’éternité. Cependant le diacre Pratt ne manquait point de soigner ses intérêts, comme il l’avait fait toute sa vie. Il recevait son argent et faisait des marchés pour son bois et autres objets qu’il avait à vendre, sans rien négliger de ce qui pouvait augmenter ses gains ; son cœur était toujours avec son schooner, car il avait beaucoup compté sur cette expédition, et son désappointement était égal à l’espoir qu’il avait formé.

Un jour, près de la fin de novembre, le diacre et sa nièce étaient dans leur petit salon, lui presque couché dans un grand fauteuil, en raison de ses infirmités toujours croissantes, elle travaillant à l’aiguille suivant son habitude ; Leurs sièges étaient placés de manière que leurs regards pouvaient embrasser la baie où Roswell avait jeté l’ancre avant de partir.

— Quel beau spectacle ce serait pour nous, dit Marie en dirigeant ses yeux pleins de larmes vers les cieux, quel beau spectacle ce serait pour nous, si, en nous réveillant, nous trouvions le Lion de Mer à l’ancre, à la pointe de l’île de Gardiner ! Je m’imagine quelquefois qu’il en sera ainsi, mais cela n’arrive jamais ! Je ne voulais pas vous le dire hier, parce que vous ne paraissiez pas très-bien, mon oncle ; mais j’ai reçu, par Baiting Joe, une réponse à la lettre que j’ai écrite au Vineyard.

Le diacre tressaillit et se tourna à moitié du côté de sa nièce, sur laquelle ses yeux éteints se fixèrent avec une sorte d’intérêt féroce. C’était l’amour de Mammon qui remuait en lui les derniers restes de l’avarice. Il pensait à sa propriété, tandis que Marie pensait aux existences qui étaient en danger. Elle comprit assez cependant le regard de son oncle pour lui répondre avec sa douce voix de femme :

— Je suis fâchée d’avoir à vous dire, mon oncle, qu’on n’a reçu aucune nouvelle du capitaine Dagget ni de personne de son équipage. On n’a eu aucune nouvelle du schooner depuis qu’il a fait voile de Rio. Les amis du capitaine Dagget sont aussi inquiets de lui que nous le sommes du pauvre Roswell. Ils pensent cependant que les deux vaisseaux sont restés ensemble et qu’ils ont eu le même sort.