Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/281

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vidence avait épargné peut-être aux survivants de grandes privations, sinon toutes les tortures de la faim.

Cependant c’était un dégel, et tel qu’on peut se l’imaginer dans un climat où l’on rencontre tous les extrêmes. Les neiges qui se trouvaient sur les montagnes commencèrent bientôt à descendre par torrents dans la plaine, et tombant de différents pics, à former de magnifiques cascades. Il y avait tout un mille de rochers qui formaient une cataracte continuelle, cette nappe d’eau n’offrant presque aucune interruption à travers toute cette distance. L’effet de ce déluge était aussi grand qu’extraordinaire. Toute la neige qui se trouvait sur le rocher disparut, et les fragments de glace commencèrent à perdre rapidement de leur grosseur. D’abord, Roswell craignit pour le navire naufragé, car il avait toujours pensé qu’il serait emporté par les eaux de la mer. À cette appréhension en succéda bientôt une autre, c’était qu’il ne fût brisé par les énormes blocs de glace qui forment les cavernes au milieu desquelles il se trouvait, et qui maintenant commençaient à changer de position à mesure que l’eau en détruisait les bases. Roswell pensa un moment à braver l’orage, et à transporter Dagget à la case sur une charrette à bras ; mais lorsqu’il vit les torrents d’eau qui traversaient les rochers, il renonça à cette idée comme impraticable. Il fallut donc passer une seconde nuit à bord du navire naufragé.

Le vent de nord-est, la pluie et le dégel enveloppaient toute l’île, lorsque nos aventuriers sortirent pour voir le temps qu’il faisait. Les cavernes étaient, en ce moment, toutes ruisselantes d’un millier de petites cascades, et tout annonçait le dégel le plus rapide. Lorsqu’on exposa le thermomètre à l’air, il était à soixante-deux degrés, et les marins ôtèrent leur seconde chemise et leurs vêtements les plus lourds. La neige avait presque disparu de partout, et la glace avait beaucoup perdu de ses vastes proportions. Ce changement était si agréable, après le froid extrême qu’on venait d’avoir à supporter, que les marins ne songèrent même pas à la pluie, et qu’ils l’affrontaient comme si elle n’était pas tombée par torrents ; quelques-uns grimpaient sur les pics des montagnes et gagnaient une élévation d’où ils pouvaient