pas à pas, à son but, avait ensuite refusé obstinément d’entrer dans ces détails particuliers que l’on ne peut même révéler aujourd’hui, et dont l’ignorance aurait rendu inutiles toutes les dépenses préalables que le diacre avait faites. Sa mort cependant avait levé le voile, et le diacre se croyait le maître absolu du secret.
Une heure ou deux après, le diacre Pratt et sa nièce étaient à table avec deux autres personnes. Le dîner était simple, mais bon. Le poisson entre pour beaucoup dans la consommation journalière de ceux qui, dans ces contrées, demeurent sur le rivage de la mer ; et cette fois l’oncle, dans son enthousiasme, après une victoire et une conquête, suivant lui, avait fait ce que l’on pouvait regarder, de sa part, comme une folie. Il y a toujours, dans ces contrées, des vieillards courbés sous les poids des ans qui gagnent leur vie en faisant le métier de pêcheurs. L’alcool a été généralement leur plus grand ennemi, et ils offrent tous le même caractère de paresse entremêlée de travaux violents, après lesquels ils retombent dans leur indolence habituelle, et se livrent à des accès d’intempérance qui se terminent ordinairement par la mort. Le pêcheur qui faisait ce métier entre Oyster-Pond et Shelter-Island, connu de tout le monde dans la localité, portait le nom familier de Baiting Joe.
Aussitôt après la découverte des longitudes et des latitudes sur les cartes marines, le diacre s’était rendu sur le quai, dans l’impatience où il était de voir comment Roswell Gardiner menait l’équipement du Lion de Mer.
Le jeune homme, avec les marins qu’il avait déjà réunis, travaillait de son mieux, et il y avait déjà dans l’armement du schooner un grand changement depuis que nous l’avons vu au début de cette histoire. Le schooner faisait de l’eau pour le voyage, et, de temps en temps, un chariot de campagne, ou une charrette traînée par des bœufs, amenait sur le quai les provisions que l’on allait mettre en magasin. De cargaison, il n’y en avait pas ; car un vaisseau destiné à la chasse du veau marin n’emporte guère que du sel et ses provisions. En un mot, l’ouvrage avançait rapidement, et le capitaine Gar’ner dit à l’impatient armateur que dans une semaine le vaisseau serait prêt à mettre à la voile.