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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/42

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du mot. Un marin de Delaware Bay aurait méprisé leur ignorance nautique ; mais quand il se serait agi de ramer, de lutter contre le mauvais temps, ou de déployer le courage que réclame cette profession, il aurait admiré ceux dont, sous d’autres rapports, il aurait été disposé à rire. Pour bien caractériser ces hommes, on peut dire qu’il y a entre eux et le marin de profession le même rapport qu’entre le soldat et le volontaire.

On invita, comme de raison, l’étranger à se mettre à table. Il accepta sans beaucoup de cérémonies, et Marie, d’après l’appétit qu’il montra, dut croire qu’il rendait justice à son talent culinaire. L’étranger était venu porter le dernier coup au Sheep’s head, et, après ce dernier assaut, il en resta peu sur le plat. Il finit ensuite son verre d’eau et de rhum, et parut disposé à traiter l’affaire qui l’avait amené. Jusque-là il n’avait fait aucune allusion au motif de sa visite, laissant le diacre livré à ses conjectures.

— Le poisson de Peconic est fort bon, dit froidement l’étranger, après avoir prouvé le droit qu’il avait d’exprimer une opinion à cet égard ; nous nous croyons assez bien pourvus, sous ce rapport ; dans le Vineyard.

— Dans le Vineyard ? interrompit le diacre sans attendre ce que l’étranger pouvait dire ensuite.

— Oui, Monsieur, dans le Vineyard, car c’est de là que je viens. Peut-être aurais-je dû me présenter à vous d’une manière un peu plus particulière. Je viens du Vineyard, et mon nom est Dagget.

Le diacre, qui dans ce moment étendait du beurre sur du pain, laissa tomber son couteau sur son assiette.

Dagget et le Vineyard étaient deux noms qui retentissaient fatalement à son oreille. Était-il possible que le docteur Sage eût eu le temps d’envoyer si vite un message au Vineyard ? et cet habitant amphibie de l’île voisine venait-il déjà lui ravir son trésor ? D’abord le diacre fut si ému qu’il ne put voir clair dans sa position ; il crut même que tout ce qu’il avait dépensé pour le Lion de Mer était perdu, et qu’il pourrait avoir à rendre compte devant une cour de chancellerie des renseignements qu’il s’était fait donner par le défunt.

En réfléchissant un peu, cependant, il triompha de cette fai-