déterminés à risquer leur argent. Il en résultait naturellement que Roswell crut devoir attacher plus d’importance qu’il ne l’avait fait jusqu’alors aux cartes marines et aux instructions que lui avait données le diacre Pratt. Jusqu’à ce moment il avait pensé qu’il ne devait pas contrarier le diacre dans ses fantaisies, mais au fond il s’en remettait surtout à lui-même du succès de son voyage. Maintenant il se décida à faire voile vers les îles de Dagget, comme son armateur appelait les îles dont l’existence lui avait été révélée. Il pensa que l’autre Lion de Mer pourrait vouloir lui tenir compagnie ; mais la distance était si grande que des milliers d’occasions devaient s’offrir de se débarrasser de cette société, si cela devenait nécessaire.
Pendant plusieurs heures, les deux schooners marchèrent de conserve, et avec une égale rapidité. Il n’y avait rien d’extraordinaire dans ce fait que deux vaisseaux construits pour le même genre d’entreprise eussent un grand caractère de ressemblance ; mais il était rare de voir des vaisseaux dont la marche était à peu près la même. S’il y avait quelque différence, elle était en faveur du Lion de Mer du Vineyard, qui, dans l’après-midi, dépassait son compagnon.
Il est à peu près inutile de dire qu’à bord des deux vaisseaux rivaux on faisait beaucoup de commentaires sur la bizarrerie de cette situation.
— Plus j’y réfléchis, monsieur Hasard, dit Roswell Gardiner à l’un des officiers mariniers, plus je crois que ce schooner n’a fait un tel détour que pour nous rencontrer, sachant bien qu’à un certain moment nous devions tourner Montauk.
— Eh bien, Monsieur, c’est peut-être bien là ce qu’ils ont voulu. Des hommes qui ont la même destination aiment à se trouver en bonne compagnie pour rendre le voyage plus court en le rendant plus agréable.
— Il est impossible que ces gens-là supposent que les deux schooners resteront en vue l’un de l’autre du 41e degré nord jusqu’au 70e sud, ou peut-être plus loin encore au sud ! C’est tout au plus si nous resterons une semaine ensemble.
— Je n’en sais rien, Monsieur. Je me suis trouvé une fois à