Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vineyard imita chaque mouvement de son rival, et se réduisit à la même voilure. En ce moment les deux vaisseaux n’étaient pas à un câble de distance, celui d’Oyster-Pond se trouvant un peu sous le vent. Le schooner avait cependant quelque avantage dans sa marche lorsque le vent était frais et la mer houleuse.

— Je voudrais que nous fussions à deux cents milles dans la direction de l’est, dit le jeune capitaine à son premier officier, aussitôt qu’il eut examiné l’étendue qui se déroulait devant lui. J’ai peur que nous n’allions nous perdre près du cap Hatteras. Nous sommes menacés de mauvais temps, monsieur Hasard.

— Oui, Monsieur, oui, fut la réponse indifférente du marin. J’ai vu des vaisseaux retourner au fort Pond-Bay et même à l’île Gardiner, pour y chercher un refuge contre ce vent du sud-est jusqu’à ce qu’il eût cessé de souffler.

— Il est impossible d’y songer, nous sommes à cent milles sud-est de Montauk, et si je cherche quelque part un refuge, ce sera à Charleston ou près d’une des îles qui longent la côte.

— C’est une simple observation de ma part, capitaine Gar’ner. Après tout, quand on s’embarque sur les vaisseaux baleiniers, il faut s’attendre aux rafales. Je suis prêt à lutter, quant à moi, à lutter aussi longtemps que notre voisin ; il est visible qu’il fait tous ses efforts pour marcher avec nous.

Cela était assez vrai le Lion de Mer du Vineyard faisait de son mieux, et quoiqu’il ne pût marcher de front avec son rival, il ne s’en trouvait qu’à une si petite distance qu’elle était imperceptible. Les officiers et les équipages de ces deux vaisseaux s’observaient respectivement avec une vigilance extrême et un profond intérêt. L’équipage du Lion de Mer d’Oyster-Pond regardait les mouvements de l’autre vaisseau, comme une belle dans un bal suit du regard le succès des autres belles, ou comme un médecin rival assiste à une opération qui doit ajouter aux lauriers d’un concurrent ou les flétrir à jamais. On fit, de part et d’autre, toutes les observations que l’expérience, la jalousie ou l’habileté purent suggérer, et comme les gens d’Oyster-Pond se donnaient l’avantage, ceux du Vineyard, comme de raison, se permettaient les mêmes commentaires. Ils faisaient leurs comparaisons, et