Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/178

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quelques heures ! Quel nouveau sujet de félicitation et de reconnaissance, et comme il sentait le besoin de se retirer un moment à l’écart pour remercier Dieu de ce nouveau bienfait, et savourer silencieusement son bonheur ! il n’était plus seul ; c’était à peine s’il pouvait le croire ! Aussi lui fallut-il longtemps pour se familiariser en quelque sorte avec ce changement si merveilleusement survenu dans sa position. Que de fois le matin, en se réveillant, il avait oublié qu’il avait des compagnons, et quand la mémoire lui revenait, comme sa prière s’en élevait vers le ciel plus vive encore et plus ardente ! Ce redoublement de ferveur ne le quitta plus le reste de sa vie, et devint encore la cause de nouvelles grâces. Mais n’anticipons pas sur les événements.

Quand Marc rejoignit Bob, ils convinrent, après une mûre délibération, que le meilleur parti à prendre était de faire venir au plus tôt la petite colonie. À présent que les naturels connaissaient l’existence de l’île Rancocus, leurs visites ne manqueraient pas d’être fréquentes, et qui pouvait assurer que la bonne intelligence durât longtemps ? Sans doute de l’île Rancocus on apercevait le Pic de Vulcain, et du Pic le Récif ; et il serait urgent de se mettre en garde contre toute tentative d’agression. Car les indigènes franchissaient souvent de grandes distances sur leurs canots et sur leurs radeaux ; mais la vue du volcan encore en activité les tiendrait peut-être en respect ; ils ne manqueraient pas d’attribuer ce phénomène à l’influence de quelque dieu ou démon, qui pourrait ne pas laisser impunie toute tentative d’invasion sur ses domaines.

Pendant la conférence, Socrate s’était amusé à tuer quelques douzaines de becfigues. Bob assurait que ces oiseaux, si communs sur le Pic, ne se trouvaient pas dans l’île Rancocus, ce qui provenait sans doute de quelque condition atmosphérique particulière ; et c’était un mets si délicat qu’on voulait le faire goûter aux jeunes dames.

Le soleil allait se coucher quand la Neshamony quitta l’Anse Mignonne : c’était le nom que Marc lui avait donné, comme il