Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui avait été établi par le capitaine gardien du bâtiment, tout prêt à être encore du prochain voyage. Il se nommait Robert, ou, comme on l’appelait généralement par abréviation, Bob Betts. Il était de l’État de New-Jersey, dans les États-Unis. À l’époque dont nous parlons, il pouvait avoir trente-cinq ans, et semblait voué à tout jamais au célibat. Des fenêtres de ta maison de son père, Bob avait sous les yeux l’océan Atlantique, de sorte que, dès le berceau, il avait humé l’air de la mer. À huit ans il était entré comme mousse à bord d’un cabotier, et depuis lors avait toujours été matelot. Pendant toute la guerre de la Révolution, Bob avait servi dans la marine, tantôt sur un bord, tantôt sur un autre, et il avait eu le bonheur de n’être jamais fait prisonnier. C’était un avantage dont il était très-fier, et il soutenait qu’il n’y avait que les maladroits qui se laissaient prendre ; aussi professait-il pour eux le plus profond mépris. À tous autres égards, Bob était plein de raison et de bon sens mais sur ce chapitre il n’était point maniable et se montrait vraiment absurde. Que voulez-vous ? les plus grands hommes ont leurs faiblesses, et c’était celle de notre ami Bob.

Le capitaine Crutchely avait engagé Bob après la paix de 1783, et depuis lors il l’avait toujours gardé avec lui. C’était à Bob qu’il avait confié l’instruction de Marc, quand celui-ci était venu à bord et c’était sous Bob que le jeune matelot avait fait son apprentissage. Bob était plein de ressources, et, comme presque tous les matelots américains, il n’y avait presque rien qu’il ne sût faire de ses dix doigts. C’était, entre autres, un mécanicien des plus habiles. D’une force athlétique, d’une taille gigantesque, d’une carrure remarquable, Bob était pour ses amis d’un dévouement à toute épreuve. Il ne voyait jamais un défaut à ceux qu’il aimait, ni une bonne qualité à ceux qui lui déplaisaient. Son attachement pour Marc était sans bornes, et l’avancement de son jeune ami lui avait fait autant de plaisir que s’il se fût agi du sien. Dans la dernière traversée, il avait dit aux matelots du gaillard d’avant : – Vous voyez bien Marc Woolston ? eh bien, ce sera un fameux loup de mer dans son temps, retenez ça de