Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/213

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Uncus et Peggy étaient auprès du gouverneur. Celle-ci savait assez d’anglais pour suivre le fil de la discussion, et Bob, qui avait ramassé par-ci par là quelques mots de son jargon, lui avait expliqué, tant bien que mal, ce qu’elle aurait pu ne pas comprendre. Au beau milieu de la conférence, elle disparut tout à coup sans qu’on s’en aperçût, et courut la batterie où son mari était de garde. Elle le ramena presque aussitôt, et ce fut par lui que fut faite la proposition qui causa d’abord tant d’étonnement. Peggy avait appris à Uncus ce qui se passait, en lui montrant l’embarcation de Junon, qui s’approchait alors sensiblement de l’île, et Uncus avait offert d’aller à la nage au-devant d’elle pour la prévenir à temps, et lui donner les instructions qu’on jugerait convenables.

Quoique Marc, Heaton et Brigitte, ainsi que tous ceux qui les entouraient, sussent parfaitement que les naturels des mers du Sud pouvaient passer, et passaient en effet des heures entières dans l’eau, ils commencèrent par s’écrier qu’une pareille proposition n’était pas acceptable. Puis la réflexion fit son office ordinaire, et les opinions se modifièrent peu à peu. Peters assura au gouverneur qu’il savait qu’Uncus allait souvent d’une île à l’autre à la nage et que si ce n’était que pour lui qu’on eût des craintes, on pouvait être complétement rassuré. Il ne doutait pas qu’en cas d’absolue nécessité, l’Indien ne fût capable de nager même jusqu’au Récif.

Cette difficulté surmontée, une autre se présentait. Uncus ne savait pas un mot d’anglais et une fois arrivé auprès de Junon, comment se ferait-il entendre d’elle ? Junon était une fille de résolution et d’énergie, comme le prouvait assez la traversée qu’elle entreprenait seule ; et, en voyant un sauvage chercher à entrer dans son bateau, elle pourrait très-bien le repousser à grands coups d’aviron. Mais Brigitte se hâta de repousser cette supposition. Junon avait le cœur excellent ; et, en voyant un homme dans l’eau, sa première pensée serait de le prendre à bord. Junon savait lire Brigitte avait pris la peine de lui donner elle-même des leçons, ainsi qu’à ses autres esclaves. Brigitte