Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/281

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ger Waally à passer au nord et l’empêcher de se rapprocher du Récif, non-seulement pour que sa retraite fût immédiate et complète, mais pour qu’il ne lui prît pas fantaisie de recommencer pareille expédition. Pour une telle course, le schooner était le meilleur bâtiment de la colonie, parce qu’il fallait peu de bras pour la manœuvre, et qu’il avait un armement convenable. Brown était bien capable de le diriger, et il orienta au plus près, tandis que Bob ayant pris les femmes sur son bord, retournait au Récif.

Cette journée avait commencé de si bonne heure qu’ils y arrivèrent à midi. Le gouverneur, en voyant revenir la Neshamony, fut rempli d’inquiétude. Elle ne pouvait avoir été jusqu’au Pic ; Waally lui avait donc barré le passage avec sa flotte, et Bob venait demander du renfort. Mais bientôt le bâtiment approchant davantage, Marc aperçut des vêtements de femme sur le pont, et braquant sa lunette, il put distinguer les traits charmants de sa jeune épouse. Dès cet instant, le gouverneur ne fut plus capable de donner un ordre à propos ; revoir Brigitte était sa seule pensée. Les bâtiments venant du sud étaient obligés de passer à travers un détroit resserré entre le Récif et le Parc aux Porcs, du côté du pont mobile, dont nous avons si souvent parlé. Il y avait en cet endroit assez d’eau pour une frégate, et assez d’espace aussi, la largeur étant de cinquante pieds ; l’épreuve, du reste, en avait été faite avec l’Abraham. Woolston s’y établit, attendant l’arrivée de la Neshamony avec une impatience qu’il avait peine à contenir.

Bob vit le gouverneur, et le montra du doigt à Brigitte, offrant à celle-ci de la faire descendre dans un canot pour arriver plus vite ; mais la tendre affection des deux jeunes époux eut bientôt rapproché la distance, et Marc, sautant à bord de la Neshamony, dès qu’elle parut dans le détroit, put serrer Brigitte contre son cœur.

Les étrangers prétendent que nous autres, enfants du continent occidental, nous ne nous laissons pas aller aux émotions tendres avec le même abandon que les habitants des pays de