Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un navire aussi grand ne s’était aventuré. La frégate pouvait être du port de six à sept cents tonneaux ; elle paraissait avoir douze pièces de canon d’un côté dans les batteries, et huit où dix sur les gaillards.

Les trois bâtiments étrangers semblaient avoir des ailes. Bien prit à l’Abraham d’être aussi près du port. Au moment où il doubla le cap, la frégate allait l’atteindre, et il n’eut que te temps d’enfiler la passe. Les pirates lui lâchèrent toute leur bordée de tribord, qui coupa le grand mât du schooner et tua un Kannaka qui était dans les barres de perroquet. Cette dernière circonstance eut du moins cela de favorable que les autres Indiens furent convaincus que les pirates étaient leurs ennemis personnels, puisque, lorsqu’il y avait tant de colons à bord, c’était sur un des leurs qu’ils faisaient tomber leur rage.

Comme le gouverneur s’y attendait, la frégate n’osa pas suivre l’Abraham. Cette passe particulière n’était connue ni de Waally, ni d’aucun de ceux qui étaient avec lui, et l’amiral n’en put tirer aucun éclaircissement utile. Déterminé à ne pas perdre de temps, il vira aussitôt pour donner aussi la chasse à l’Anna et à la Marthe qui alors étaient à peu près au milieu du canal qui conduisait au Pic. Le gouverneur ne se souciait nullement de les attirer plus près de l’Anse Mignonne qu’il n’était rigoureusement nécessaire et, dès qu’il vit que l’Abraham s’était enfoncé dans les îlots, et que ses voiles disparaissaient derrière un massif d’arbres qui commençait à garnir cette partie de la côte, il changea de direction et gouverna vers l’île Rancocus en ayant le vent à babord. Les trois bâtiments suivirent, et, au bout d’une demi-heure, ils s’étaient assez éloignés du cap sud pour qu’il n’y eût pour le moment rien à craindre sur ce point.

Jusque-là les prévisions du gouverneur s’étaient réalisées au delà de ses espérances. Ses ennemis étaient à une lieue de lui, en pleine vue, et ses deux embarcations n’avaient pas à redouter l’issue d’une course qui avait lieu sur une mer tranquille ; mais tout à coup on eût pu croire qu’il renonçait volontairement à cet avantage. Quand il fut à une certaine distance, il changea brus-