Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/345

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accompli toutes les dévastations qu’ils avaient pu, ils avaient remis à la voile et s’étaient dirigés vers le sud en inclinant un peu vers l’ouest, comme s’ils voulaient aller au volcan. Mais, d’un autre côté, la Marthe venait de faire le tour du volcan sans rien apercevoir. Était-il possible que les étrangers fussent retournés au Groupe de Betto sans essayer même de pousser plus loin leurs déprédations ? C’était une supposition inadmissible ; mais, ne voulant rien négliger, le gouverneur dépêcha la Marthe dans cette direction, avec l’espoir qu’elle rencontrerait au moins quelques canots de pêche qui allaient souvent à une vaste ceinture de rochers situés à quelques lieues au vent des territoires de Waally et d’Ooroony. Betts venait de prendre congé du gouverneur pour s’acquitter de cette mission, lorsqu’une des chaloupes qui étaient en observation signala l’apparition de voiles étrangères du côté du vent. C’en fut assez pour décider le gouverneur à rappeler la Marthe, et à faire rentrer toutes les embarcations.

Une heure ne s’était pas écoulée que tous les doutes étaient dissipés : c’étaient bien les pirates, et, qui plus est, l’Abraham était devant eux, se dirigeant à toutes voiles vers le passage du cap sud. Les étrangers étaient sur ses talons, et la distance qui les séparait semblait diminuer à chaque instant. La position de l’Abraham était critique, et en même temps la direction qu’il suivait eût conduit les pirates droit au Récif. Le gouverneur n’hésita pas, et il lofa hardiment vers les pirates, dans l’espoir qu’ils se diviseraient pour lui donner aussi la chasse. Betts le seconda habilement en serrant le vent dans les eaux de l’Anna, et en déployant toute la toile qui pouvait accélérer la marche du bâtiment pour se maintenir dans cette position. Cette manœuvre eut un plein succès. Les deux bricks, qui étaient le plus au sud, modifièrent leur route pour se mettre à leur poursuite, laissant la frégate donner seule la chasse à l’Abraham. Le gouverneur en fut enchanté, car il était certain qu’un bâtiment d’un tirant d’eau aussi considérable hésiterait avant de s’engager dans des passes étroites où les Kannakas savaient eux-mêmes que jamais