Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certain temps, pour qu’il servît de lieu de refuge en cas d’invasion. Aucun des anciens habitants ne contestait ses droits. C’étaient les nouveaux venus qui, ne pouvant prétendre à des privilèges semblables, ne pouvaient les supporter dans les autres.

Marc était bien décidé à ne pas se laisser exproprier ainsi. Le Cratère était pour lui un don spécial de la Providence qui le lui avait départi dans ses mauvais jours, et il s’en était réservé expressément la possession, quand il avait admis des étrangers à venir s’établir au Récif. L’affaire fut soumise au jury. L’avocat général fit de belles phrases sur l’aristocratie et les classes privilégiées, ainsi que sur les droits imprescriptibles du peuple.

À l’entendre, on aurait pu croire que les Woolston étaient des princes en pleine possession de leurs États héréditaires, et disposés à attenter aux libertés publiques, tandis que, par le fait, ils n’avaient pas un seul droit de plus que le dernier des citoyens, en même temps qu’ils avaient de plus à lutter contre les préjugés et la jalousie. Woolston qui avait différé son départ de quelques jours pour être présent an procès, se défendit par quelques paroles pleines de noblesse. Il ne concevait pas même qu’il eût pu venir dans la pensée d’une seule personne d’élever une réclamation semblable, et il s’en rapportait avec confiance à la décision du jury. Dix jurés se prononcèrent contre lui, mais deux tinrent bon et défendirent le bon droit, et, comme il fallait l’unanimité, l’affaire fut renvoyée à une autre session, c’est-à dire à six mois.

Marc ne pouvait différer plus longtemps son départ, et le lendemain du jugement, il s’embarqua sur le Rancocus, en même temps que Betts sur son brick. Sa dernière visite, en passant, fut pour le Pic, et les passagers montèrent tous jusqu’à la plaine, pour prendre congé de ce Paradis terrestre. Le Pic était vraiment la résidence privilégiée ; c’était là que demeurait l’aristocratie de la colonie. Aussi était-il grandement question d’y procéder à une nouvelle répartition des terres, les nouveaux arrivés ayant grande envie d’avoir leur part du gâteau.