Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/61

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— Pas encore, Bob, et c’est une raison de plus pour que vous redoubliez d’attention.

— Tenez, prenez ma place, commandant. Il n’y a que vous qui puissiez enfiler droit cette passe. C’est trop fort pour moi.

Et Bob courut à l’arrière. Tout mécontent qu’il était que ce changement eût lieu dans un instant si critique, Marc ne fit qu’un bond jusqu’à l’avant, et chercha les bouées. Il ne les vit pas tout de suite et maudit l’imprudence de Bob qui avait quitté son poste dans un pareil moment. Mais une minute après, il en aperçut une, puis, bientôt après, la seconde, qui lui parut terriblement proche de l’autre. Cependant, mesurant l’espace de l’œil, il reconnut qu’il était rigoureusement suffisant, et cria à Bob de mettre la barre au vent : Arrive tout ! À peine l’ordre fut-il exécuté, que le Rancocus s’éleva à la lame. Marc épiait ses moindres mouvements avec une anxiété fébrile. Il tremblait qu’il ne s’écartât un peu trop à droite ou à gauche. Il respira à peine quand le vit cingler résolument entre les deux sombres sentinelles ; il lui semblait que le vent ou le courant avaient changé de position. Mais il était trop tard pour modifier la manœuvre. Marc vit le navire se dresser sur les vagues de l’Océan, et chaque fois qu’il retombait, il semblait au jeune marin qu’il allait entendre la quille labourer le fond. Mais l’instant d’après, les bouées se montrèrent par le travers du bâtiment. Ce premier danger était passé !

Restait à accomplir la seconde partie de la traversée. Il ne fut pas facile de reconnaître le passage qu’ils avaient découvert entre deux blocs de lave. Depuis quelques heures, le vent avait augmenté, à tel point que la mer brisait partout contre les roches. Mais quand il fut sûr de l’avoir retrouvé, Marc ne s’en inquiéta pas. Il voyait alors distinctement le cratère ; seulement il devenait nécessaire d’augmenter la voilure pour que le navire pût gouverner facilement. Marc cria à Bob d’amurer la barre en serrant le vent le plus près possible, et de courir aux drisses de la voile de grand étai, et de l’aider à l’établir. Il en fut de même successivement des autres voiles ; puis chacun retourna à son poste.