Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/60

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mettre en marche sur-le-champ qu’à rester où l’on était. Bob se soumit à cette décision avec le même empressement que si Marc eût toujours été son officier, et à peine l’eut-il apprise qu’il sauta de voile en voile et de cordage en cordage, comme un écureuil saute de branche en branche. Bob déferla le foc, le grand hunier et le foc d’artimon, et mit la brigantine en place. En même temps, Marc avait l’œil à la bosse de la grande ancre, qu’on venait, d’apprêter pour servir au moment où le capitaine Crutchely avait disparu.

Il était bien temps en effet de se presser. Le vent commençait à se faire sentir par rafales, le soleil s’enfonçait derrière un épais rideau de nuages, et tout le long de l’horizon du côté du vent le ciel prenait un aspect lugubre et menaçant. Un moment Marc changea d’idée ; il reculait devant le risque qu’il allait courir, et il allait laisser tomber la grande ancre, quand Bob lui cria que tout était prêt, et Marc revenant à lui, leva la hache dont il était armé, et en frappa un grand coup sur le câble. Cela décida la question ; un toron tout entier avait été coupé, et trois ou quatre coups de plus séparèrent le bâtiment de son ancre. Marc courut aussitôt aux drisses de foc, et aida Bob à hisser la voile. À peine cette manœuvre était-elle exécutée qu’il courut au gouvernail, où il arriva à temps pour veiller l’abatée. La brigantine fut alors appareillée avec toute la vitesse dont deux hommes sont capables, et ensuite Bob se précipita à l’avant pour voir si le lien de fer qui maintenait le bâton de foc était solidement attaché, et pour chercher de l’œil les bouées.

Dans une pareille navigation la moindre méprise eût été fatale, et Marc recommanda la plus grande vigilance à son compagnon. Plus de vingt fois il le héla pour s’informer si les bouées se montraient, et enfin, à sa grande satisfaction, il reçut une réponse affirmative.

— N’arrive pas ! défie ! Monsieur Marc, ne craignez rien ; nous sommes au vent du passage. — Bon ! c’est cela, monsieur Woolston ! — À merveille, mon commandant ! Est-ce que vous-même vous ne voyez pas encore les bouées ?