Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/171

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y a de bonnes raisons pour croire qu’un de ces hommes au moins est d’une classe fort au-dessus de celle de simple soldat ; et dans ce cas, tous vos plans sont brisés comme du verre.

— Et pour qui donc le prend-il ? demanda Borroughcliffe ; est ce un Bourbon déguisé ? est-ce un secret représentant du congrès des rebelles ?

— Il ne m’en a pas dit davantage. Kit sait tenir sa bouche close quand dame justice va prendre ses balances. Il y a des gens qu’on reconnaît sur-le-champ comme étant nés pour être soldats, par exemple, le comte Cornwallis, qui tient si vaillamment tête aux révoltés dans les deux Carolines ; d’autres paraissent avoir été formés par la nature pour être des saints sur la terre, comme Leurs Grâces les archevêques d’York et de Cantorbery. Enfin il est une autre classe dont on pourrait dire qu’ils ne voient rien qu’avec des yeux pénétrants, impartiaux et désintéressés, de laquelle classe font partie le président lord Mansfield et mon parent Kit Dillon. Je me flatte, Messieurs, que, lorsque les armes royales auront étouffé cette rébellion, les ministres de Sa Majesté reconnaîtront qu’il convient d’étendre jusque dans les colonies la dignité de la pairie, comme un moyen de récompenser la loyauté pour le passé, et comme une mesure politique pour prévenir tout germe de mécontentement à l’avenir ; et dans ce cas, j’espère voir mon parent décoré du manteau de pair, bordé de l’hermine de la justice.

— Vos espérances sont très-raisonnables, mon cher Monsieur, dit Borroughcliffe, et je ne doute pas que votre parent ne devienne un jour (ce qu’il n’est pas encore malgré tout son mérite) très-honorable[1]. Prenez donc courage, Monsieur ; je le connais assez pour ne pas douter que la loi ne lui rende justice en temps convenable, et que nous ne le voyions revêtu d’une dignité telle qu’elle serve de point de mire à tous ceux qui aspireraient à une pareille élévation en ce monde, quoique je ne sache trop sous quel titre il sera alors connu.

Le colonel était trop plein de sa manière d’envisager les choses en général et M. Christophe Dillon en particulier, pour faire attention aux regards malins que les deux officiers se jetaient mutuellement pendant que le capitaine parlait ainsi, et il lui répondit avec la plus grande simplicité de cœur :

  1. Titre honorifique donné aux pairs d’Angleterre.