Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’ai fait beaucoup de réflexions sur ce sujet, et enfin je suis venu à penser que, comme il possède une petite propriété sur les bords de cette rivière, il pourrait prendre pour premier titre celui de baron de Pedie.

— Baron ! répéta Borroughcliffe ; j’espère que les nouveaux nobles d’un nouveau monde auront assez de bon sens pour dédaigner les titres rebattus d’un univers suranné. Fi de toutes les baronnies, mon cher hôte, et envoyez au diable tous les comtés et tous les duchés ! L’immortel Locke s’est disloqué l’esprit pour vous fournir des titres convenables à votre condition et à la nature de votre pays. Mais je vois arriver le cacique de Pedie en propre personne.

Tandis que Borroughcliffe parlait ainsi, ils montaient l’escalier de pierre qui conduisait aux étages supérieurs de ce corps de logis où l’on supposait que les trois prisonniers étaient encore enfermés ; et au même instant on vit Dillon s’avancer avec l’air sombre et de mauvaise humeur qui lui était ordinaire, mais tempéré cependant par une expression malicieuse qui annonçait un triomphe secret. Comme il s’était passé quelques heures depuis le départ des prisonniers, Peters était de nouveau en faction devant leurs portes, et comme il savait parfaitement qu’il n’avait pas besoin d’exercer une grande surveillance, il avait cherché à s’indemniser de l’interruption qu’avait subie son sommeil pendant la nuit, et en se plaçant le plus commodément possible, assis par terre, le dos appuyé contre la muraille, et son fusil étendu sur ses genoux. Le bruit des pas qui se faisaient entendre sur l’escalier le tira pourtant du demi-repos qu’il goûtait, et il se leva à temps pour ramasser son mousquet lorsque son capitaine, qui marchait à l’avant-garde, entra dans le corridor.

— Eh bien ! drôle ! s’écria Borroughcliffe à haute voix, que font vos prisonniers ?

— Je crois qu’ils dorment, mon capitaine ; car je n’ai pas entendu le moindre bruit dans leurs chambres depuis que j’ai relevé la sentinelle qui m’a précédé.

— C’est qu’ils sont fatigués, et ils ont raison de dormir puisqu’ils le peuvent. Mais allons donc, drôle ! portez les armes, redressez-vous, et ne marchez pas comme un caporal de milice. Songez que voilà un officier de cavalerie qui arrive ; voulez-vous déshonorer votre régiment ? Rabattez-moi ces épaules.