Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/173

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— Ah ! mon capitaine, Dieu sait si je pourrai jamais les redresser !

— Paix ! voici pour acheter un second emplâtre, dit Borroughcliffe en lui glissant une pièce d’argent dans la main ; et songez que vous ne savez rien que votre devoir.

— Qui est, mon capitaine ?…

— De songer à ce que je vous dis, et de vous taire. Mais voici le sergent qui va vous relever de faction.

Le reste de la compagnie s’était arrêté à l’autre bout de la galerie pour laisser passer quelques soldats à la tête desquels marchait le sergent. Tous s’avancèrent ensuite vers les chambres qui avaient servi de prison. La sentinelle fut relevée de son poste avec toutes les formes d’usage ; et Dillon, plaçant alors la main sur une des portes, dit en ricanant :

— Ouvrez-nous d’abord cette porte, monsieur le sergent ; c’est dans cette cage qu’est enfermé l’oiseau dont nous avons besoin.

— Doucement, doucement ! milord président, très-noble et très-puissant cacique, dit Borroughcliffe ; le moment n’est pas encore venu où vous aurez à installer un jury de gros et gras paysans ; quant à présent, mes soldats n’ont d’ordres à recevoir que de moi.

— Le reproche est un peu dur, capitaine, il faut que j’en convienne, dit le colonel ; mais je le pardonne, parce qu’il est fondé sur la discipline militaire. Oui, Kit, tel est l’usage des corps, et il faut s’y conformer. Mais prenez patience, le temps viendra où vous tiendrez les balances de la justice, et où vous pourrez vous livrer à tout votre zèle en prononçant des sentences loyales contre plus d’un traître. Morbleu ! je crois que je pourrais les exécuter de mes propres mains !

— Je puis réprimer mon impatience, Monsieur, répondit Christophe avec un sang-froid mêlé d’une douceur hypocrite, malgré la joie farouche qui brillait dans ses yeux ; et je demande pardon au capitaine Borroughcliffe si le désir de rendre l’autorité civile supérieure au pouvoir militaire m’a fait empiéter sur ses droits.

— Vous l’entendez ! Borroughcliffe, s’écria le colonel d’un ton de triomphe. Je vous dis qu’il est guidé par un instinct infaillible en tout ce qui concerne les lois et la justice. Je regarde comme impossible qu’un homme doué d’un tel discernement devienne