Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/188

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— Regardez vous-même, capitaine, et vous verrez si ce que je dis est vrai.

Le jeune marin se retourna, et vit l’Alerte qui s’avançait avec toutes ses grandes voiles déployées, et favorisé par le vent. Ce bâtiment venait de doubler un promontoire et ne paraissait qu’à environ deux milles de l’endroit où était alors la barque.

— Passez-moi le télescope, dit-il d’un ton calme. Cela nous promet de l’ouvrage de manière ou d’autre. Si c’est un bâtiment armé, ce sera à nous à gagner du terrain ; dans le cas contraire, nous sommes assez forts pour nous en emparer.

Un coup d’œil lui suffit pour lui faire reconnaître la force du navire qui était en vue, et il dit en replaçant le télescope avec beaucoup de sang-froid :

— Le drôle a de longs bras ; il est armé de dix bonnes dents, et le pavillon du roi George flotte au haut du grand mât. Allons, mes enfants, force de rames ! il y va de la vie. Quelque amour qu’ait maître Coffin pour son harpon, je n’ai nulle envie que John Bull vienne me lier les bras, quand ce serait Sa Majesté elle-même qui riverait les fers.

Les rameurs obéirent avec promptitude, et jetant bas leurs casaques ils se mirent sérieusement à l’ouvrage. Pendant une demi-heure un silence profond régna sur la barque, qui s’éloignait avec une rapidité prodigieuse. Cependant bien des circonstances conspiraient en faveur du cutter : la mer était calme, le vent lui était favorable, et il se trouvait dans un courant qui lui donnait un nouveau degré de vitesse. Au bout du temps que nous venons d’indiquer, sa marche avait tellement gagné sur celle de la barque qu’il n’était que trop évident que la distance qui les séparait avait diminué de moitié. Barnstable conservait son air de fermeté, mais on pouvait voir sur son front une expression d’inquiétude qui annonçait qu’il sentait le danger de sa position.

— Ce drôle a de longues jambes, maître Coffin, dit-il d’un ton enjoué ; il faut jeter à la mer ce tonneau et cette corde, pour alléger la barque, et vos mains délicates voudront bien aussi manier la rame.

Tom se leva avec sa gravité ordinaire, jeta à la mer le tonneau et la corde, et s’asseyant en tête des rameurs, fit mouvoir la rame avec toute la force de ses bras vigoureux.