Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/210

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ces eaux sur lesquelles le roi d’Angleterre prétend avoir un empire exclusif, et que je prends ses vaisseaux à l’entrée même de ses ports, et je n’obtiens pour récompense que de vaines promesses toujours violées. Votre proposition ne peut me convenir. J’ai enfin obtenu un navire de force suffisante pour me conduire en Amérique, où je trouverai honneur et franchise ; et je voudrais entrer dans la salle du congrès, suivi de quelques-uns des législateurs de cette île orgueilleuse qui s’imagine que ce n’est que dans son sein qu’on peut trouver la sagesse, la vertu et la grandeur.

— Un pareil cortége serait sans doute aussi agréable pour ceux devant qui vous vous présenteriez que pour vous-même, mais cet avantage conduirait-il au grand but que nous nous proposons d’atteindre dans cette lutte ? Est-il assez considérable pour mériter les risques auxquels vous vous exposez pour l’obtenir ?

Le pilote serra la main de Griffith, et lui répondit d’une voix qui annonçait le calme d’une résolution bien prononcée :

— Notre entreprise est glorieuse, jeune homme. Si elle offre des périls, la renommée nous en récompensera. Il est vrai que je porte vos couleurs républicaines, que j’appelle les Américains mes frères, mais c’est parce que vous combattez pour la liberté de l’espèce humaine. Si votre cause était moins sacrée, je ne voudrais pas verser, pour la servir, une seule goutte de tout le sang qui coule dans des veines anglaises. Mais cette cause sanctifie tout ce qu’on entreprend pour elle, et les noms de ceux qui la défendent appartiendront à la postérité. N’y a-t-il pas quelque mérite a apprendre à ces insulaires oppresseurs que le bras de la liberté peut venir les saisir jusque dans le sein de leur empire, dans le centre même de leur corruption ?

— Souffrez donc que j’aille moi-même prendre les informations dont nous pouvons avoir besoin. Vous avez été vu ici, et vous pouvez attirer sur vous…

— Vous ne me connaissez pas encore ; C’est moi qui ai conçu le plan de cette entreprise. Si elle réussit, j’en réclamerai l’honneur ; je dois donc m’exposer aux dangers qu’elle entraîne ; si elle échoue, elle tombera dans l’oubli, comme cinquante autres projets que j’ai formés, et qui, si l’on m’eût donné les forces nécessaires pour les exécuter, auraient jeté la consternation dans cette île, jusque dans les tours du château de Windsor. Mais vingt générations de noblesse ne m’avaient pas énervé l’âme et cor-