Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/211

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rompu le sang ; et par conséquent je ne méritais pas la confiance des esprits dégénérés qui sont à la tête de la marine française.

— On dit qu’on travaille en Amérique à construire des vaisseaux à deux ponts. Vous n’aurez qu’à vous présenter pour être sûr d’être honorablement employé.

— Oui, la république ne peut manquer de confiance en un homme qui a soutenu son pavillon dans tant de combats sanglants. Je vais m’y rendre, à Griffith ; mais c’est ce chemin qui doit m’y conduire. Mes prétendus amis m’ont souvent lié les mains, mais mes ennemis… jamais ! et jamais ils n’y réussiront. Quelques heures m’apprendront tout ce que j’ai besoin de savoir, et je vous confie le soin de notre sûreté jusqu’à mon retour. Soyez vigilant, et surtout prudent.

— Mais si vous ne reparaissiez pas à l’heure dite, s’écria Griffith en voyant le pilote se détourner pour partir, où vous chercherai-je ? comment pourrais-je vous servir ?

— Si Je ne suis pas de retour dans dix heures ne m’attendez plus, ne me cherchez pas, et retournez à votre navire. J’ai passé ma jeunesse sur cette côte, et je saurais la quitter comme j’ai su y aborder, à l’aide de ce déguisement et de mes connaissances locales. Songez à vous en ce cas, et oubliez-moi entièrement.

À peine le pilote avait dit adieu à Griffith d’un geste de la main, que l’officier américain se trouva seul.

Il resta quelques minutes à réfléchir sur les talents extraordinaires et sur le caractère entreprenant et infatigable de celui qu’un hasard inattendu lui avait donné pour compagnon, et au sort duquel son propre destin était si intimement lié par suite de circonstances si imprévues. Après avoir fait quelques réflexions sur tous les événements de cette nuit, il entra dans l’intérieur des ruines, et y trouva des endroits qui pouvaient cacher avec sûreté le détachement qu’il attendait jusqu’à ce que le pilote fût de retour, et qu’il lui apprît s’ils pouvaient réussir dans leur entreprise, ou s’ils devaient attendre les ténèbres pour regagner l’Ariel.

On était à cette heure de la nuit que les marins appellent le quart du matin. Griffith se hasarda à s’avancer jusque sur la lisière du bois pour écouter si quelque bruit lui annoncerait qu’on était à leur poursuite. En arrivant à un endroit d’où son œil commençait à pouvoir distinguer faiblement des