Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore dans la poitrine la baïonnette qui venait-de lui donner la mort.

— Réveillez-vous ! réveillez-vous ! s’écria Griffith.

— Aux armes ! aux armes ! cria en même temps Manuel d’une voix de tonnerre.

Les soldats, éveillés en sursaut par ces cris alarmants, se levèrent précipitamment, et dans ce moment de confusion une masse de feu et de balles pénétra dans la chambre qui retentit du bruit occasionné par l’explosion simultanée d’une vingtaine de coups de fusil. Ni le tumulte, ni la fumée, ni les gémissements de plusieurs soldats américains ne purent retenir Griffith un instant. Il se précipita vers la porte en tirant son coup de pistolet, saisit une demi-pique, et cria à haute voix :

— En avant ! suivez-moi ! ce ne sont que des soldats !

Tout en parlant ainsi, l’ardent jeune homme arrivait à la porte ; mais son empressement même lui fut fatal ; son pied heurta contre la dernière des marches, et il tomba par terre au milieu d’un groupe de soldats anglais qui l’aidèrent à se relever, et le firent prisonnier.

— Feu ! Manuel, feu ! cria Griffith avec fureur. Feu ! pendant qu’ils sont réunis !

— Oui, feu ! monsieur Manuel, dit Borroughcliffe avec beaucoup de sang-froid, et tuez votre officier. Mettez-le en avant, mes amis ; placez-le en front. La place la plus sûre est à ses côtés.

— Feu ! répéta Griffith en faisant des efforts surnaturels pour se débarrasser de cinq ou six hommes qui le retenaient. Feu ! Manuel, ne pensez pas à moi !

— Il mérite d’être pendu, s’il le fait, dit Borroughcliffe. De si beaux soldats ne sont pas assez communs pour qu’on tire sur eux comme sur des fièvres. Éloignez-le de l’entrée de cette cave, et songez à votre devoir.

Pendant que Griffith s’élançait hors de la chambre, Manuel s’occupait à disposer ses hommes en ordre bien régulier ; mais ces soldats, accoutumés à agir de concert et avec ensemble, perdirent le moment favorable pour avancer. Ceux de Borroughcliffe eurent le temps de recharger leurs mousquets, et se retirant derrière les murs en ruines, ils prirent une position d’où ils pouvaient fusiller tout ce qui sortait de la chambre, sans être exposés eux-mêmes au feu de l’ennemi. Manuel s’avança avec beaucoup