Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur son harpon, regardant d’un air plus dédaigneux qu’étonné l’appartement le plus splendide qu’il eût jamais vu.

Cependant le colonel causait à voix basse avec Dillon, et la conversation devenant plus intéressante, ils finirent par se retirer dans un coin de la chambre. Borroughcliffe n’y fit aucune attention ; et ne croyant pas que l’absence de son compagnon de table dût interrompre ses libations, il se versa coup sur coup, comme s’il se croyait obligé en conscience de boire et pour lui-même et pour celui qui l’avait abandonné. Quand ses yeux se détournaient un instant de son verre, c’était pour se fixer avec un air d’admiration sur la taille presque gigantesque de Tom Coffin, dont l’air martial et robuste était fait aussi pour attirer l’attention d’un officier recruteur. Cependant il fut enfin distrait de ce double plaisir par la voix de son hôte, qui l’invitait à venir prendre place au conseil privé.

Le colonel épargna à Dillon la tâche désagréable de répéter le conte artificieux que celui-ci avait jugé convenable de faire à son digne parent ; et il fit avec ardeur et vivacité le rapport mensonger qui donnait à la trahison de Dillon les couleurs d’une ruse de guerre, et du zèle le plus louable pour le service de son prince. En résultat, Tom devait être gardé comme prisonnier ; et il s’agissait d’aller surprendre Barnstable et ses compagnons pour leur faire partager le même sort.

Il paraît que le capitaine anglais ne fut pas tout à fait la dupe de cette histoire, car, tout en écoutant les éloges que le colonel prodiguait à son cousin, il fixait sur lui un regard pénétrant qui força le juge en herbe à baisser les yeux. Mais si Borroughcliffe hésita un instant sur ce qu’il devait faire, il fut décidé par un nouveau coup d’œil qu’il jeta sur le contre-maître, qui s’imaginait, dans sa simplicité, que la conférence dont il était témoin était un préalable à la mise en liberté de M. Griffith.

— Drill, dit Borroughcliffe à haute voix, approchez pour recevoir vos ordres.

En entendant cet ordre inattendu, Tom Coffin tourna la tête, et s’aperçut pour la première fois qu’il avait derrière lui un sergent et quatre soldats bien armés.

— Conduisez cet homme au corps-de-garde, continua le capitaine ; nourrissez-le bien, et ayez soin qu’il ne meure pas de soif.

Il n’y a rien d’alarmant dans un pareil ordre, et Tom, obéis-