Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/246

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sant à un signe du capitaine, suivait déjà les soldats quand leurs pas furent arrêtés dans la galerie par le cri : — Halte !

— Toutes réflexions faites, Drill, dit Borroughcliffe d’un ton qui n’avait rien de dictatorial, en s’avançant vers la porte, conduisez cet homme dans ma propre chambre, et veillez à ce qu’il ne lui manque rien. Vous m’entendez ?

Le sergent répondit par un geste qu’il avait compris, car son capitaine était accoutumé à ce langage muet ; Borroughcliffe retourna à sa bouteille, et le contre-maître suivit Drill avec un empressement et une gaieté qu’il devait à l’ordre réitéré qu’il avait entendu donner de le bien traiter.

Heureusement pour son impatience l’appartement du capitaine n’était pas très-éloigné, et le repas promis ne tarda pas à arriver. La chambre donnait sur un corridor communiquant à la galerie dont nous avons déjà parlé, et le repas consistait en un reste froid de ce mets de prédilection des Îles Britanniques, le roast-beef, dont la cuisine du colonel Howard était toujours fournie.

Le sergent, qui avait compris que le signe de son capitaine annonçait qu’il fallait diriger une attaque contre la citadelle de la tête du contre-maître, avait arrangé de ses propres mains un pot de grog d’une telle force qu’il pensait qu’il aurait pu faire tomber le quadrupède dont Tom dévorait les restes avec une vivacité surprenante ; mais il fut déçu dans ses calculs sur la résistance de la tête du contre-maître. Le brave Américain avalait verre sur verre avec un plaisir évident, mais sa raison n’en restait pas moins ferme à son poste, tandis que le sergent, qui croyait par honneur devoir l’exciter à boire en buvant lui-même, sentait que la sienne était sur le point de déserter. Heureusement l’arrivée de son capitaine lui épargna la honte de se griser complètement en voulant en griser un autre.

Borroughcliffe, en entrant dans l’appartement, ordonna au sergent de se retirer, et ajouta :

— M. Dillon vous donnera des instructions et vous lui obéirez.

Drill, à qui il, restait encore assez de présence d’esprit pour craindre le mécontentement de son officier si celui-ci s’apercevait de l’état dans lequel il se trouvait, se hâta de partir, et Tom Coffin se troua tête à tête avec le capitaine. L’ardeur de ses attaques contre le roast-beef était alors un peu refroidie, et il était dans cet état de jouissance paisible que le palais goûte encore quelque