Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/264

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Il atteignit bientôt une pointe formant une étroite plate-forme, sur laquelle il crut pouvoir s’arrêter un moment pour respirer ; mais le contre-maître qui s’abandonnait au poids de son corps y arriva presque au même instant, l’en délogea sans le vouloir, et Dillon suspendu entre le ciel et l’Océan, fut retenu, heureusement pour lui, par la corde qui le liait au contre-maître, que ni ce choc subit, ni ce fardeau qu’il avait à soutenir ne purent ébranler. Il poussa un cri involontaire en tombant, et ce cri, répété par les échos des rochers, semblait celui de l’esprit des tempêtes.

— Si tu pousses un autre cri, dit le contre-maître, je coupe le câble et je te lance à la mer, frété pour le port de l’éternité.

Le bruit des pas et des voix se faisait entendre alors très-distinctement ; et au bout de quelques secondes, un détachement d’hommes armés arriva sur le rocher presque au-dessus de la tête du contre-maître.

— C’était la voix d’un homme, dit l’un d’eux.

— D’un homme en détresse, ajouta un second.

— Ce ne peut être le parti ennemi que nous cherchons, dit le sergent Drill ; ils ne seraient pas assez imprudents pour crier ainsi.

— On dit qu’on entend souvent de semblables cris le long de ces côtes, aux approches d’une tempête, dit un autre, et qu’ils sont poussés par les marins qui ont été noyés.

Deux ou trois soldats se mirent à rire, mais c’était évidemment d’un rire forcé ; et quelques plaisanteries sur la superstition de leurs compagnons furent faites d’un ton mal assuré. Malgré cette apparence d’incrédulité de la part d’une partie de la troupe, la scène produisit son effet même sur l’esprit de ceux qui affectaient de ne pas croire au merveilleux, et au bout de quelques instants le détachement se retira du rocher d’un pas probablement accéléré par cette courte conversation.

Dès que le bruit de leurs pas eut cessé de se faire entendre, Tom Coffin, qui pendant tout ce temps était resté ferme sur sa petite plate-forme, appuyé contre le rocher, tira Dillon à l’aide de la corde, et le plaça à côté de lui plus mort que vif. Sans perdre un instant en explications, il descendit dans un ravin qu’il avait aperçu, et traînant son captif comme un galérien à la chaîne, il le força à le suivre avec une rapidité qui le faisait trembler à chaque pas. Ils arrivèrent enfin à l’endroit du rendez-vous, et le contre--