Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/272

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sur la tête. Un bruit semblable au craquement d’un bois qui se fend succéda à ce sifflement, et la partie supérieure du grand mât tomba sur le tillac, entraînant dans sa chute la grande voile et ce pavillon sur lequel le contre-maître, peu de temps auparavant, s’applaudissait de voir les étoiles, emblème des États-Unis et rivales de celles de la voûte azurée.

— Voilà un coup malheureux ! s’écria Barnstable avec dépit ; mais reprenant aussitôt son ton calme et son air de sang-froid, il donna ses ordres pour qu’on, nettoyât le pont, et qu’on assujettît la voile qui, agitée par le vent, aurait gêné la manœuvre.

Les funestes présages de Tom Coffin semblèrent s’évanouir dès que la nécessité l’obligea à joindre ses efforts à ceux du reste de l’équipage, et il ne fut ni le dernier ni le moins empressé à exécuter les ordres de son commandant. La perte de toutes les voiles que soutenait le grand mât rendit fort difficile de doubler le promontoire qui s’avançait à une assez grande distance dans l’Océan ; mais le bâtiment, était léger et bon voilier, le capitaine était plein de zèle et d’habileté, et le schooner, entraîné par le vent contre la fureur duquel il était sans défense, doubla le cap à peu de distance de la terre, en s’écartant des brisants autant qu’on le pouvait, pendant que les matelots cherchaient à rattacher autant de voiles qu’il était possible à ce qui restait du grand mât. Le feu de la batterie avait cessé à l’instant où l’Ariel avait doublé le promontoire ; mais Barnstable, dont les regards étaient alors exclusivement fixés sur l’Océan, s’aperçut bientôt que, comme son contre-maître le lui avait prédit, les éléments le menaçaient d’un danger plus imminent encore. Lorsque les avaries furent réparées autant que le permettait l’état des choses, Tom Coffin retourna à son poste près du lieutenant, et après avoir examiné avec le coup d’œil d’un marin la manière dont on venait d’arranger les voiles, il renoua la conversation.

— Ce maudit boulet, dit-il, aurait mieux fait d’emporter un membre du meilleur homme de l’équipage que de priver l’Ariel de sa meilleure jambe. Une grande voile ayant tous ses ris pris, peut être une voile prudente, mais c’est une pauvre voile pour faire marcher un navire.

— Et que voulez-vous donc, Coffin ? demanda Barnstable avec un mouvement d’impatience ; vous voyez que le schooner maintient sa proue en avant et s’éloigne de la côte. Croyez-vous qu’un