Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/280

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— Écoutez-moi, monsieur Barnstable, dit Merry les larmes aux yeux : si ce n’est pas pour moi, si ce n’est pas pour vous-même, si ce n’est pas par l’espoir que nous devons conserver en la merci de Dieu, que ce soit pour l’amour de ma cousine Catherine ! Descendez dans la barque !

Le jeune lieutenant s’arrêta, jeta un regard sur les rochers dont elle était entourée, et parut hésiter un moment ; mais l’instant d’ensuite il reporta ses yeux sur son navire échoué, et s’écria :

— Jamais ! Merry ! jamais ! si mon heure est arrivée, je saurai subir mon destin.

— Ayez pitié de ces braves gens, dit Merry ; la première vague un peu forte brisera la barque contre le schooner. Ne les entendez-vous pas crier qu’ils ne partiront pas sans vous ?

Barnstable lui montra du doigt la barque, et lui ordonna d’un ton ferme d’y entrer ; après quoi il se détourna en silence.

— Eh bien ! s’écria l’intrépide jeune homme, si c’est le devoir d’un lieutenant de rester sur un bâtiment naufragé, ce doit en être un pour un midshipman. Partez, mes amis ! partez, ni M. Barnstable ni moi nous ne quitterons l’Ariel.

— Jeune homme, votre vie m’a été confiée, et c’est moi qui en suis responsable, dit Barnstable ; et au même instant, saisissant Merry en dépit de tous ses efforts, il le mit entre les bras de quelques matelots qui le placèrent dans la barque. Partez maintenant, ajouta-t-il, et que Dieu veille sur vous, car votre barque n’est déjà que trop chargée.

Les marins ne se pressèrent pas d’obéir, car ils voyaient le contre-maître se lever et s’avancer vers eux à grands pas, et ils s’imaginèrent que, changeant d’avis, il allait descendre dans la barque, et qu’il déterminerait leur commandant à en faire autant. Mais Tom, imitant l’exemple que Barnstable venait de lui donner, le saisit brusquement entre ses bras, et le tint suspendu au dehors du bâtiment jusqu’à ce que quelques matelots s’en fussent emparés pour le placer dans la barque. Au même instant il détacha la corde qui retenait encore ce frêle esquif. Levant alors ses larges mains vers le ciel, il s’écria :

— Quant à moi, que la volonté de Dieu s’accomplisse ! j’ai vu clouer la première planche de l’Ariel, et quand j’aurai vu la dernière s’en détacher, je ne désire pas vivre plus longtemps.

Ses camarades n’entendirent qu’à peine ces paroles. Dès que la