Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/284

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CHAPITRE XXV.


Elseneur, pensons à ceux qui dorment sous les vagues profondes de ton océan orageux.
Campbell.


Les heures parurent bien longues et bien pénibles à Barnstable, jusqu’à ce que la mer, en se retirant, eût laissé les sables à découvert, et lui permît de chercher les corps de ses compagnons victimes de la tempête. À mesure qu’on en trouvait un, et dès qu’on s’était assuré que tout principe de vie était éteint en lui, on l’enterrait, aussi décemment que la circonstance le permettait, sur les bords mêmes de cet élément sur lequel la plupart d’entre eux avaient passé toute leur vie. Mais celui que le lieutenant connaissait depuis si longtemps, celui qu’il affectionnait par prédilection, manquait encore, et il se promenait à grands pas sur les sables dans l’espace que la mer laissait libre en ce moment entre le pied des rochers et l’océan furieux ; ses regards inquiets, toujours fixés sur les ondes, examinaient tous les débris du navire que les vagues continuaient à jeter sur le rivage. Il compta alors pour la première fois les marins qui s’étaient sauvés à la nage avec lui, en trouva douze, non compris les deux officiers, et il reconnut que, de tous ceux qui au moment du naufrage l’avaient suivi dans la barque, il ne lui manquait que deux individus.

— Ne me dites pas qu’il est impossible qu’il se soit sauvé, Merry, s’écria Barnstable avec une agitation qu’il cherchait en vain à cacher au jeune midshipman attentif à tous les mouvements inquiets de son commandant. Combien de fois a-t-on vu des marins s’échapper après un naufrage, sur les débris de leur bâtiment ? Ne voyez-vous pas combien de planches la mer a jetées sur ce rivage, quoiqu’il y ait une bonne demi-lieue de l’endroit où le schooner a péri ? L’homme que j’ai placé en vedette sur le haut des rochers ne nous fait-il pas encore le signal pour nous annoncer qu’il le reconnaît ?