Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/316

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sa route sur l’immensité de l’océan, sans carte et sans boussole, que dans le labyrinthe obscur du cœur d’une femme.

— Allons, allons, étourdi ! vous oubliez que je suis petite, et que par conséquent mon cœur est voisin de ma tête ; trop voisin peut-être pour que je sois en état d’agir avec discrétion ; mais n’y a-t-il pas moyen de forcer Griffith et Cécile à faire ce qu’ils désirent tous deux, sans user de violence toutefois ?

— Impossible ! il est mon officier supérieur ; et dès que je l’aurai remis en liberté il réclamera le commandement. Dans un moment de loisir on pourrait discuter le mérite d’une telle prétention ; mais mes propres marins sont soumis à l’autorité du capitaine de la frégate, et ils n’hésiteraient pas à obéir aux ordres du premier lieutenant, qui n’est pas homme à plaisanter quand il s’agit du devoir.

— Il est vraiment contrariant de voir tous mes projets si bien combinés, et ayant pour but le bonheur de ce couple fantasque, dérangés par son obstination ! Mais avez-vous bien calculé vos forces, Barnstable ? êtes-vous sûr de réussir dans votre entreprise, de réussir sans vous exposer à quelques dangers ?

— J’en suis moralement et, ce qui vaut encore mieux, physiquement certain. Mes marins sont cachés ici près dans un endroit où personne ne peut soupçonner qu’il se trouve des ennemis. Ils sont pleins d’ardeur, et attendent avec impatience le moment d’agir. La promptitude de l’attaque rendra la victoire sûre et empêchera qu’elle ne coûte du sang. Vous nous faciliterez l’entrée, Catherine ; je commencerai par m’assurer de la personne de ce capitaine de recrues, et alors sa troupe se rendra sans coup férir. Après tout, Griffith entendra peut-être raison ; mais s’il refuse de l’écouter, je ne remettrai pas mon autorité à un captif délivré, sans chercher à la conserver.

— Dieu veuille qu’il n’y ait pas de combat à livrer ! murmura Catherine à demi-voix, un peu effrayée par les images que ce que disait Barnstable présentait à son imagination ; mais je vous enjoins solennellement, ajouta-t-elle plus haut, par votre affection pour moi, par tout ce que vous avez de plus sacré, de protéger la personne du colonel Howard de tout danger. Il ne peut y avoir ni raison, ni prétexte, ni excuse pour que mon vieux tuteur, opiniâtre et emporté, mais bon et indulgent, reçoive la plus légère insulte. Je crois que je lui ai déjà causé plus d’embarras que je