Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/317

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n’ai le droit d’en donner à personne, et à Dieu ne plaise que je devienne pour lui la source de quelque infortune sérieuse !

— Il n’a rien à craindre ; non, ni lui ni aucun de ceux qui sont avec lui. Vous en serez convaincue, Catherine, quand vous connaîtrez mon plan. Dans trois heures, je veux être maître de cette vieille abbaye ; Griffith lui-même, oui, Griffith devra se contenter d’être sous mes ordres, jusqu’à ce que nous nous retrouvions en mer.

— Réfléchissez-y bien, Barnstable ; ne faites aucune tentative sans être bien certain de pouvoir conserver votre avantage, non seulement contre vos ennemis, mais même contre vos amis. Soyez bien sûr que Cécile et Griffith portent à un tel excès la délicatesse de leurs sentiments, que vous ne pouvez les compter parmi vos alliés.

— Voilà ce que c’est que d’avoir passé les quatre plus belles années de sa vie entre des murs de briques, suant sang et eau sur des grammaires latines, des syntaxes grecques et d’autres fadaises semblables, quand il aurait dû s’enfermer dans une bonne caisse de bois et de fer, faire chaque soir le relevé des calculs de la navigation, et apprendre à dire où est son navire après un coup de vent. Toute cette science de collège peut être bonne pour un homme qui veut vivre de son esprit ; mais elle ne peut servir à grand-chose à celui qui ne craint pas d’étudier la nature humaine en regardant ses semblables en face, et dont la main est aussi prête à agir que sa langue peut l’être à parler. J’ai remarqué en général que l’œil le plus habile à lire du latin n’était pas le plus propre à consulter la boussole, ou à examiner les manœuvres pendant un coup de vent nocturne ; et cependant Griffith est un bon marin, quoique je l’aie vu lire l’Évangile en grec. Grâce à Dieu, j’ai été assez sage pour m’enfuir de l’école le second jour où l’on a voulu m’apprendre une autre langue que la mienne, et je crois que je n’en suis que plus honnête homme et meilleur marin, grâce à mon ignorance.

— On ne saurait dire ce que vous auriez pu devenir en d’autres circonstances, Barnstable, dit Catherine avec un ton d’enjouement malin dont elle ne pouvait toujours se défendre, même lorsqu’elle s’y livrait aux dépens de celui qu’elle aimait le mieux au monde ; je ne doute pas qu’avec une éducation convenable vous n’eussiez fait un assez bon prêtre.