Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/335

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secrètes du traité que miss Plowden a fait ce soir avec M. Barnstable ; mais quant à moi, colonel Howard, j’espère que vous en croirez la fille de votre frère quand je vous assure que tous les événements qui viennent de se passer ont été aussi imprévus pour moi que pour vous-même.

Le colonel fixa sur elle un instant des yeux dont l’expression annonçait un retour de tendresse ; mais les doutes dont son imagination était remplie finirent par l’emporter, et secouant la tête, il se détourna d’elle avec un air de fierté.

Cécile baissa les yeux ; mais elle osa dire :

— Eh bien ! il est possible que mon oncle refuse de me croire, mais je ne puis être déshonorée sans un acte de ma volonté.

Relevant alors la tête, et montrant ses traits pleins de douceur, elle se retourna vers son amant, et lui dit, le visage couvert du plus vif incarnat :

— Édouard Griffith, je ne puis ni ne veux vous dire combien il serait humiliant de penser que vous ayez pu croire un seul instant que je m’oublierais encore au point de vouloir abandonner le protecteur que Dieu m’a donné pour suivre un guide choisi par une passion inconsidérée. Et vous, André Merry, apprenez à respecter la fille de la sœur de votre mère, sinon pour elle-même, du moins par égard pour celle qui a donné les premiers soins à votre enfance.

— Il paraît qu’il y a ici quelque malentendu, dit Barnstable qui partageait jusqu’à un certain point l’embarras qu’éprouvait le jeune midshipman : mais, de même que dans tous les malentendus de la même espèce, je suppose qu’une courte explication peut remettre tout dans l’ordre. Monsieur Griffith, c’est à vous de parler. Que diable ! ajouta-t-il plus bas, vous êtes muet comme un poisson ; une jolie femme vaut bien quelques belles paroles. Parlez donc !

— Il faut hâter notre départ, monsieur Barnstable, répondit Griffith en poussant un profond soupir, et semblant sortir d’un rêve. Ayez la bonté d’ordonner qu’on se dispose à se mettre en marche pour gagner la côte. Le capitaine Manuel est chargé des prisonniers ; nous les garderons comme otages de la sûreté d’un pareil nombre de nos concitoyens.

— Et nos concitoyennes, Monsieur ! faut-il que nous les oubliions pour ne songer en égoïstes qu’à notre propre sûreté ?