Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/336

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— Nous n’avons le droit de nous mêler de ce qui les concerne qu’autant qu’elles le désireraient elles-mêmes.

— De par le ciel ! monsieur Griffith, cela sent le grec et le latin ! Vous pouvez y trouver dans vos bouquins de quoi justifier cette conduite ; mais permettez-moi de vous dire, Monsieur, que ce n’est pas celle qu’on pourrait attendre d’un marin amoureux !

— Est-il indigne d’un marin, d’un homme bien né, de permettre à la femme qu’il appelle sa maîtresse de l’être autrement que de nom ?

— Eh bien ! Griffith, je vous plains de toute mon âme. J’aurais consenti volontiers à rencontrer un peu de difficulté à obtenir le bonheur dont je vais jouir si facilement, plutôt que de vous voir éprouver un désappointement si cruel ; mais vous ne pouvez me blâmer de profiter des faveurs de la fortune. Donnez-moi votre belle main, miss Plowden. Colonel Howard, je vous rends mille actions de grâces des soins que vous avez pris jusqu’ici d’un dépôt si précieux, et croyez que je vous parle sincèrement, Monsieur, quand je vous dis qu’après moi vous êtes dans le monde entier l’homme à qui je le confierais le plus volontiers.

Le colonel se tourna vers lui, le salua profondément, et lui répondit d’un ton grave :

— Vous payez mes légers services de trop de reconnaissance, Monsieur. Si miss Catherine Plowden n’est pas devenue sous ma tutelle tout ce que son digne père John Plowden, capitaine de la marine royale, aurait désiré que fût sa fille, c’est à moi, à ce qu’il me manquait à moi-même pour l’instruire, qu’il faut l’attribuer, et non à la elle-même. Je ne vous dirai pas : — Recevez-la de ma main, Monsieur, — puisque vous en êtes déjà en possession, et qu’il serait hors de mon pouvoir de rien changer à cet arrangement ; il ne me reste donc qu’à souhaiter que vous trouviez en elle autant de soumission comme épouse qu’elle en a montré comme pupille et comme sujette.

Catherine avait souffert que son amant lui prît la main, et la conduisît un peu en avant de ses deux compagnes ; mais en ce moment, arrachant son bras de celui de Barnstable, et séparant les cheveux noirs qu’elle avait laissés tomber en désordre sur son front, elle leva la tête avec fierté ; pâle encore, toute sa vivacité semblait avoir passé dans ses regards tandis qu’elle prononçait ce peu de mots :