Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/34

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ques étoiles, jetant une pâle lumière sur une raie blanche faiblement azurée, qui formait une ceinture autour de l’Océan. De légers courants d’air, saturés de l’odeur de la terre, traversaient de temps en temps la baie ; mais leur passage rapide et irrégulier ne prouvait que trop que c’était l’haleine expirante de la brise du rivage. L’agitation des flots roulant le long des côtes produisait un bruit sourd, qui n’était interrompu de temps à autre que par un mugissement plus profond quand une vague plus forte que les autres venait se briser sur les rochers et s’engloutir dans leurs cavités. En un mot, tout contribuait à rembrunir cette scène, quoique le vaisseau s’élevât encore facilement sur les vagues, sans même faire tendre le gros câble qui le tenait sur son ancre.

Les principaux officiers, réunis près du cabestan, dissertaient sur leur situation et leurs dangers, et quelques-uns des plus anciens marins, ceux qui étaient le plus favorisés par leurs chefs, prolongeaient leur courte promenade jusque auprès du gaillard d’arrière, l’oreille au guet, pour tâcher d’apprendre ce que pensaient leurs supérieurs. Les officiers et les matelots jetaient fréquemment un regard d’inquiétude sur le commandant et le pilote, qui continuaient à s’entretenir tête à tête à l’extrémité du navire. Une fois, une curiosité irrésistible ou la légèreté de son âge porta l’un des plus jeunes midshipmen à s’avancer bien près d’eux, mais une brusque rebuffade du capitaine le renvoya honteux et confus, et il alla cacher sa mortification au milieu de ses camarades. Cette mercuriale fut regardée par les autres officiers comme un avis que leur commandant voulait que le secret de sa consultation avec le pilote fût strictement respecté. Ils n’en laissèrent pas moins échapper à demi-voix quelques expressions d’impatience ; mais aucun d’eux n’osa se permettre d’interrompre un entretien que tous regardaient comme prolongé au-delà de toutes bornes raisonnables dans les circonstances actuelles.

— Ce n’est pas le moment de parler de gisements et de distances, dit le second lieutenant de la frégate ; il faut que nous mettions tous les bras à l’ouvrage, et que nous tâchions de touer le vaisseau, tandis que la mer veut bien encore souffrir une barque.

— Ce serait une entreprise aussi fatigante qu’inutile, répondit Griffith, d’entreprendre de touer une frégate pendant plusieurs