Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/35

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milles contre une mer qui la bat en front. Mais la brise de terre souffle encore dans la région supérieure, et si nos voiles légères voulaient la prendre, avec l’aide de ce reflux, nous pourrions peut-être nous éloigner de ces côtes.

— Hélez de la grande hune, Griffith, et demandez si l’on y sent de l’air. Ce sera du moins un avis indirect pour tirer de leur apathie notre capitaine et ce fainéant de pilote.

Griffith sourit, appela le marin qui était dans la hune, et en ayant reçu la réponse d’usage, il lui cria à haute voix :

— Sentez-vous du vent de là-haut ? D’où vient-il ?

— J’en sens de temps en temps une bouffée qui vient de terre, répondit le marin ; mais nos huniers restent raides et immobiles.

Le capitaine Munson et son compagnon suspendirent leur conversation pour écouter cette question et la réponse qui la suivit ; après quoi ils reprirent leur entretien avec autant d’intérêt que s’il n’eût pas été interrompu.

— Ils auraient beau remuer, il paraît qu’ils ne feraient pas remuer nos officiers supérieurs, dit l’officier des soldats de marine, dont l’ignorance dans tout ce qui concernait la navigation augmentait beaucoup l’idée qu’il se faisait du danger qu’on courait, mais qui, par oisiveté, faisait plus de plaisanteries que qui que ce fût à bord. Ce pilote semble sourd aux avis donnés si délicatement ; vous ne le prendrez pas par les oreilles, monsieur Griffith ? que n’essayez-vous de le prendre par le nez ?

— Ma foi, répondit Griffith, il y a eu une traînée de poudre entre nous dans la chaloupe, et il ne paraît pas homme à recevoir tranquillement des avis du genre de ceux dont vous parlez. Quoiqu’il ait l’air si doux et si paisible, je doute qu’il ait fait beaucoup d’attention au livre de Job.

— Qu’en a-t-il besoin ? s’écria le chapelain, dont les craintes égalaient au moins celles de l’officier de marine, et qui était encore plus découragé ; il peut employer beaucoup mieux son temps. Il y a tant de cartes de ces côtes, tant d’ouvrages sur la navigation de ces mers ! j’espère qu’il s’est plutôt occupé à les étudier.

Ce discours fit partir d’un grand éclat de rire tous ceux qui l’entendirent, et cette circonstance parut produire l’effet qu’on désirait si vivement et depuis si longtemps, car la conférence mystérieuse entre le capitaine et le pilote finit en ce moment. Le