Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/342

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que lui avait dictée la plus vive tendresse, le vieillard s’avança vers Borroughcliffe, qui rongeait le pommeau de son épée dans son dépit d’avoir vu s’évanouir en un instant les hautes espérances qu’il avait conçues. Se plaçant à côté du capitaine, et prenant un air de soumission mêlée de dignité : Messieurs, continua-t-il, agissez selon votre bon plaisir ; vous êtes les vainqueurs, et il faut bien que nous nous soumettions. Un brave doit savoir céder avec dignité comme se défendre avec courage quand il n’est pas surpris, comme nous l’avons été ; mais si quelque occasion s’offrait jamais !… Donnez vos ordres, Messieurs ; deux agneaux n’ont jamais eu la moitié de la douceur que vous trouverez dans le capitaine Borroughcliffe comme dans moi-même.

En finissant de parler, le colonel Howard regarda son compagnon d’infortune en souriant avec un air de résignation affectée, mais remplie d’amertume. Le capitaine voulut lui répondre de la même manière, mais la grimace qu’il fit en cherchant à sourire peignait plutôt le trouble et le désordre de ses idées. Tous deux cependant réussirent à sauver assez bien les apparences pour avoir l’air de regarder avec sang-froid les préparatifs de départ que faisaient les vainqueurs.

Le colonel continua à rejeter avec froideur les avances de sa nièce ; et Cécile, cédant timidement à la volonté de son oncle, abandonna pour le moment tout espoir de le ramener à des sentiments plus équitables. Cependant elle s’occupa sérieusement à donner les ordres nécessaires pour exécuter la résolution qu’elle avait prise, et sa cousine n’eut pas besoin d’être pressée pour lui servir d’aide dans cette occupation inattendue. Quant à celle-ci, sans en rien dire à miss Howard, il y avait déjà quelque temps qu’elle avait fait en secret toutes les dispositions nécessaires pour pouvoir quitter l’abbaye en un clin d’œil, s’il arrivait quelque événement semblable à celui qui venait d’avoir lieu.

De concert avec son amant, qui, voyant que le plan du pilote était d’accord avec ses propres vues, avait jugé à propos d’oublier sa querelle avec cet homme mystérieux, miss Plowden courut chercher les paquets qu’elle avait déjà préparés, pour les remettre à ceux qui devaient s’en charger. Barnstable et Merry accompagnaient sa marche légère le long des corridors sombres et étroits de l’abbaye, tous deux ne s possédant pas de joie ; le premier ne faisant qu’entretenir sa maîtresse de sa beauté, de son esprit,