Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/343

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de toutes ses perfections ; le second, riant, chantant et se livrant à tout l’enthousiasme que pouvait éprouver un jeune homme de son âge et de son caractère au milieu d’une telle scène et dans de semblables circonstances.

Il fut heureux pour Cécile que sa cousine eût eu tant de prévoyance, car miss Howard songeait plutôt à tout ce dont son oncle pouvait avoir besoin qu’à ce qui lui était nécessaire à elle-même. Suivie de miss Dunscombe, Cécile parcourait les appartements solitaires de l’abbaye en écoutant en silence les consolations douces et religieuses que lui prodiguait sa compagne, cédant quelquefois à la violence du chagrin que lui causait la conduite de son oncle à son égard, et donnant ensuite ses ordres aux domestiques avec le même calme que s’il n’eût été question que de faire un voyage de plaisir.

Pendant ce temps le reste de la compagnie était demeuré dans la salle à manger. Le pilote, comme s’il eût pensé que ce qu’il avait déjà fait était suffisant, avait repris sa première attitude, se tenant debout, le dos appuyé contre la boiserie, mais surveillant avec attention tous les préparatifs du départ, avec un coup d’œil qui annonçait que son esprit supérieur dirigeait tout. Griffith avait pourtant repris le commandement en apparence, et c’était à lui que les marins s’adressaient pour recevoir des ordres.

Une heure ou environ se passa de cette manière, et alors Cécile et Catherine arrivèrent en habits de voyage, les bagages de tous les prisonniers ayant déjà été remis à un sous-officier qui les fit emporter par un détachement de marins. Griffith donna l’ordre du départ, et le son aigu d’un sifflet de contre-maître, retentissant de nouveau dans l’abbaye, fut suivi du cri poussé par une voix forte et enrouée :

— En avant les chiens de mer ! allons, en avant toutes les piques !

À cet appel extraordinaire succédèrent le roulement d’un tambour et le son d’un fifre, et toute la troupe sortit de l’abbaye dans l’ordre déterminé par le capitaine Manuel, qui remplissant en cette occasion les fonctions de maréchal-général de l’armée.

Le pilote avait combiné avec tant de prudence et d’habileté ses dispositions pour surprendre l’abbaye, que pas un seul individu, soldat ou domestique, n’avait pu s’en échapper ; et comme il aurait été dangereux de laisser après eux quelqu’un qui pût jeter