Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/348

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cabane. Vous ne le voulez pas ! il faut donc la hisser par vos câbles de laine.

Les nègres, qui avaient souffert ses plaisanteries avec l’humilité abjecte de l’esclavage, n’eurent pas la même patience quand ils se sentirent tirer rudement les cheveux, et leurs plaintes parvinrent à l’oreille d’un officier.

— Que veut dire cela ? s’écria une voix ferme dont le son enfantin faisait un plaisant contraste avec son ton d’autorité ; pourquoi crie-t-on ainsi ?

Le jeune marin laissa retomber lentement ses deux mains dont chacune tenait une poignée de la laine qui couvrait la tête des deux nègres ; mais l’une d’elles en descendant rencontra une oreille, et la tira si violemment que César poussa un grand cri, qu’il chercha d’autant moins à retenir qu’il voyait qu’il lui arrivait un auxiliaire.

— Encore ! s’écria Merry. Qui donc fait chanter ainsi ces nègres ?

— Personne, Monsieur, répondit Sam avec une gravité affectée ; une de ces figures noires s’est frotté l’os de la jambe contre une toile d’araignée, et cela lui a fait mal à l’oreille.

— Et comment se fait-il, mauvais plaisant, que vous vous trouviez au milieu des prisonniers quand je vous avais ordonné de mettre la pique sur l’épaule et de vous placer sur le flanc du détachement ?

— Oui, Monsieur, vous m’en avez donné l’ordre, et j’y ai obéi aussi longtemps que je l’ai pu ; mais ces visages de nègres ont rendu la nuit si sombre que j’ai perdu mon chemin.

Un éclat de rire à demi retenu se fit entendre parmi les marins qui étaient près de lui, et si le midshipman n’avait eu sa dignité à maintenir, il aurait volontiers ri comme les autres de l’humeur plaisante de Sam, qui était un de ces êtres privilégies, comme il s’en trouve toujours quelqu’un à bord de chaque vaisseau.

— Eh bien ! drôle, dit Merry, à présent que vous avez reconnu votre erreur de calcul, virez de bord et retournez à la place que je vous ai assignée.

— J’y vais, monsieur Merry, j’y vais ; mais de par toutes les erreurs, qui se trouvent sur les registres du munitionnaire, cette toile d’araignée a fait pleurer un de ces noirauds. Permettez-moi