Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/352

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et j’attendrais pour réclamer une juste indemnité de la couronne l’instant où l’on mettra en vente les biens confisqués des chefs de cette détestable révolte contre le prince légitime. Mais vous méritez de moi, miss Dunscombe, toute la considération qu’un homme bien né doit à une dame. Ayez donc la bonté d’écrire à mon agent : priez-le de mettre le scellé sur tous mes papiers, et de les transmettre au secrétaire d’état de Sa Majesté ayant le département de l’intérieur. On n’y trouvera rien qui respire la trahison, et ils me donnent droit à la protection du gouvernement. Quant au mobilier, la plus grande partie en appartient au propriétaire de la maison, comme vous ne l’ignorez pas, et je présume qu’il veillera à ses intérêts. Permettez que je vous baise la main, miss Dunscombe ; j’espère que nous nous reverrons un jour au palais de Saint-James. Comptez-y, la reine Charlotte connaîtra votre loyauté et rendra justice à votre mérite.

— C’est ici que je suis née dans une humble obscurité, colonel Howard ; c’est ici que J’ai vécu ; c’est ici que je veux mourir. Si depuis un certain temps j’ai goûté quelque plaisir autre que celui qui est le partage de tout chrétien fidèle à ses devoirs, c’est à la société que j’ai trouvée chez vous que j’en suis redevable. Une telle société, dans ce coin retiré de ce royaume, était un bien trop précieux pour qu’il ne s’y mêlât pas quelque alliage ; et aux plaisirs passés va succéder un triste souvenir. Adieu, mes jeunes amies ; mettez votre confiance en celui dont les yeux ne font aucune différence entre l’Américain et l’Européen, entre le monarque et le sujet. Adieu, nous nous reverrons un jour ; mais ce ne sera probablement ni dans mon île, ni sur votre continent.

— Voilà, dit le colonel Howard en lui prenant la main avec un air d’affection, voilà le seul sentiment déloyal que j’aie jamais entendu sortir de la bouche de miss Dunscombe. Doit-on supposer que Dieu, ayant établi des classes différentes parmi les hommes, n’ait pas égard aux rangs établis par lui-même ? Mais adieu ; si nous avions le temps d’avoir à ce sujet une explication convenable, je suis convaincu que nous ne différerions guère sur ce point.

Miss Dunscombe ne parut pas regarder cette discussion comme méritant d’être prolongée dans un pareil moment, et serrant la main du colonel, elle lui fit ses adieux et donna toute son attention à ses jeunes amies. Cécile, embrassant sa compagne chérie, s’abandonna à tous ses regrets et versa des larmes arrières ; Catherine