Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/37

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petit porte-voix et empeignant de l’autre un des haubans du navire, pour s’affermir dans la position qu’il avait prise sur un canon.

— Faites virer, Monsieur, dit le capitaine d’un ton calme.

— Avirer, répéta Griffith à haute voix.

— Avirer ! crièrent à la fois une douzaine de voix ; et un fifre joua un air vif pour animer la scène. Le cabestan fut mis en mouvement sur-le-champ, et le pas des marins qui marchaient sur le tillac, marquait la mesure en exécutant cette manœuvre. Ce fut le seul bruit qu’on entendit pendant quelques minutes, si ce n’était de temps en temps celui de la voix d’un officier, qui encourageait les marins quand ils annonçaient qu’on était à pic, ou, en d’autres termes, que l’ancre était presque sous le vaisseau.

— Que ferons-nous maintenant, Monsieur ? demanda Griffith au capitaine. Ferons-nous-quitter le fond à l’ancre ? On ne sent pas trop d’air, et le reflux est si faible quai est à craindre que la mer ne jette le navire à la côte.

Cette conjecture paraissait si probable que tous les yeux de l’équipage, animés jusqu’alors par le travail qu’exigeait la manœuvre, se tournèrent vers la mer avec un air d’inquiétude, cherchant à percer l’obscurité de la nuit, comme pour interroger les vagues sur le destin d’un vaisseau que les éléments semblaient avoir condamné à périr.

— Je laisse au pilote le soin de vous répondre, répliqua le capitaine après être reste un moment à côté de Griffith, examinant avec attention le ciel et l’Océan. Qu’en dites-vous, monsieur Gray ?

Le pilote, dont le nom venait d’être prononcé pour la première fois, était appuyé sur les bords du vaisseau, les yeux dirigés du même côté que ceux de tout l’équipage. Il se releva, en se tournant vers le capitaine pour lui répondre, et la lumière d’une lanterne, éclairant ses traits, y fit remarquer un calme, qui, vu sa position et sa responsabilité, semblait presque surnaturel.

— Cette forte houle est à craindre, dit-il ; mais une destruction certaine nous attend, si l’ouragan qui se prépare à l’est nous trouve encore dans un pareil ancrage. Tout le chanvre dont on a jamais fait des cordages ne suffirait pas pour empêcher seulement pendant une heure un navire d’aller se briser sur ces rochers, s’il avait contre lui un furieux vent de nord-est. Si le pouvoir de