Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/392

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— Mais les frégates ? que ferons-nous des frégates ?

— Nous les combattrons ! répondit le pilote d’une voix ferme et déterminée, nous les combattrons ! Jeune homme, j’ai soutenu les étoiles de l’Amérique dans des circonstances plus difficiles que celle-ci, et je les ai soutenues avec honneur. Ne croyez pas que ma fortune m’abandonne.

— Nous aurons une heure de combat opiniâtre.

— C’est sur quoi nous pouvons compter ; mais j’ai vu des journées entières de combat sanglant, et je ne vous crois pas homme à trembler à la vue de l’ennemi.

— Permettez que je proclame votre nom en présence de tout l’équipage : il y répandra l’enthousiasme ; il paraîtra le gage de la victoire.

— Cela est inutile, répondit le pilote en réprimant par un geste le zèle ardent de Griffith. Je désire n’être connu qu’autant que je pourrai l’être d’une manière digne de moi. Je veux partager vos dangers, mais je ne veux pas vous dérober la moindre partie de votre gloire. Si nous en venons à un abordage, ajouta-t-il avec un sourire qui n’était pas sans orgueil, je me nommerai moi-même ; mon nom sera le cri de guerre, et vous verrez qu’il fera trembler les Anglais !

Griffith se soumit aux désirs du pilote ; et, après avoir délibéré avec lui pendant quelques instants sur les manœuvres qu’on exécuterait, il donna tous ses soins à la conduite du vaisseau. Le premier objet qui frappa ses yeux en quittant le pilote fut le colonel Howard, qui se promenait sur le tillac l’air radieux, le front élevé, semblant jouir d’avance d’un triomphe qui lui paraissait certain.

— Je crains, Monsieur, lui dit-il en s’avançant vers lui avec un air de respect, que vous ne trouviez bientôt la promenade sur le pont désagréable et dangereuse. Vos pupilles sont…

— Ne me parlez pas ainsi, Monsieur, dut le colonel en l’interrompant ; quel plaisir peut être plus agréable que celui de respirer le parfum de loyauté qui sort de ce beau vaisseau de Sa Majesté, que le vent nous apporte ? Vous parlez de danger ? Connaissez-vous assez peu le vieux George Howard pour croire qu’il n’en braverait pas mille pour voir ce symbole de rébellion se baisser devant le pavillon de notre roi légitime ?

— Si tel est votre désir, colonel Howard, répondit Griffith en