Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/401

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cinq lieues sur l’ennemi, qui sera obligé de doubler ce promontoire de brisants.

Il sauta en bas du canon, et perdit en même temps, non seulement l’air d’autorité qu’il avait pris dans ce moment critique, mais même l’apparence du vif intérêt qu’il avait manifesté pendant tous les incidents de cette journée. En un mot, il redevint l’homme froid, calme et réservé, que ses compagnons avaient toujours trouvé en lui depuis qu’il était avec eux.

Lorsque les premiers moments d’inquiétude furent passés, les officiers se réunirent sur les différentes parties de la frégate d’où l’on pouvait le mieux apercevoir les ennemis. Le vaisseau amiral avait continué à avancer, et s’était arrêté près de la frégate de trente-deux, qui, totalement désemparée, était le jouet des vagues. Celle qu’on venait de combattre côtoyait lentement le bord des brisants, ses voiles déchirées flottant au gré des vents, plusieurs de ses vergues n’offrant que des fragments brisés, et toutes ses manœuvres annonçant la confusion qui régnait sur son bord, due en grande partie à la manière dont elle s’était vue arrêter dans ses progrès. Tous les matelots eux-mêmes contemplèrent quelques instants ce spectacle en poussant des cris de joie et de triomphe ; mais ils oublièrent bientôt les trois vaisseaux anglais, au milieu des soins que le leur exigeait. Les tambours battirent la retraite ; les canons furent amarrés ; les nouveaux blessés furent descendus à fond de cale, et tout ce qui était en état de travailler s’occupa à réparer les avaries que la frégate avait essuyées pendant le combat.

Comme le pilote l’avait annoncé, le navire américain, au bout d’une heure, sortit triomphant de l’archipel d’écueils dans lequel il était engagé, mais que la clarté du jour rendait moins dangereux. Lorsque le soleil commençait à descendre vers l’horizon, Griffith, qui n’avait pas quitté le pont de toute la journée, eut la satisfaction de voir tout remis en ordre sur son vaisseau, et de se trouver prêt à combattre un autre ennemi. En ce moment le chapelain le fit prier de descendre sans délai dans la cabane. Chargeant donc du soin de la frégate Barnstable, qui l’avait secondé avec autant de zèle que d’intelligence pendant le combat comme dans tous les soins qui en avaient été la suite, il changea de surtout pour écarter de lui toutes les traces sanglantes du double engagement qui avait eu lieu, et se rendit promptement