Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/422

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faite au quartier-maître mourant, et qu’il assura à la mère de Boltrope une existence douce et tranquille pour le reste de ses jours.

Environ douze ans s’étaient écoulés depuis la courte croisière dont nous venons de tracer l’histoire, quand Griffith étant à parcourir nonchalamment une liasse de journaux, sa femme remarqua qu’il les laissa tomber tout à coup sur la table, et qu’il appuya sa tête sur ses deux mains comme un homme frappé soudainement de quelque impression désagréable et cherchant à se rappeler des événements dont les traces étaient effacées dans son esprit depuis longtemps.

— Qu’avez-vous donc vu dans ces journaux qui vous agite ainsi ? lui demanda Cécile, toujours aussi jolie qu’aimable. J’espère, maintenant que notre gouvernement fédéral est bien établi, que nos États se relèveront bientôt de leurs pertes. Je parie que vous y avez vu le projet dont on parle d’établir une nouvelle marine ? Ah ! Griffith ! vous soupirez et vous languissez encore pour votre cher Océan !

— J’ai cessé de soupirer et de languir, Cécile, depuis que vous avez commencé à sourire, répondit-il sans changer d’attitude.

— Est-ce qu’il est à craindre que le nouvel ordre de choses ne se maintienne pas ? Le congrès et le président sont-ils en altercation ?

— La sagesse et le nom de Washington faciliteront l’épreuve, et le temps mûrira le système. Mais, Cécile, vous rappelez-vous l’homme qui nous accompagna, Manuel et moi, à Sainte-Ruth, où nous devînmes prisonniers chez votre oncle, l’homme par qui fut ensuite conduit le détachement qui nous délivra et qui sauva Barnstable ?

— Sans doute ; c’était, à ce qu’on disait, le pilote de votre vaisseau ; et le capitaine anglais qui était chez mon oncle le soupçonnait même d’être quelque chose de plus que ce qu’il paraissait.

— Borroughcliffe ne se trompait pas ; mais vous ne l’avez pas vu comme moi, cette nuit effrayante pendant laquelle, en dépit d’une tempête, il nous fit traverser en sûreté les écueils du Devil’s-Gripp ; vous n’avez pas vu ce courage calme avec lequel il nous guida de nouveau au milieu de ces mêmes brisants pendant que nous combattions une frégate et qu’un vaisseau de ligne nous poursuivait.

— J’ai entendu le bruit de ce terrible combat, et je puis aisé-