Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/77

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frégate avec son équipage ordinaire, je passerai à bord du schooner ; quand le vent sera favorable, nous avancerons vers la côte, et nous agirons ensuite suivant que les circonstances l’exigeront.

Le commandant du schooner jeta à son tour un regard de triomphe sur le capitaine Manuel, et s’écria avec son ton de gaieté ordinaire :

— C’est un excellent plan, monsieur Griffith, un plan digne d’un officier de marine. — Oui, oui, servez-vous du schooner. Je vous réponds que l’Ariel jettera l’ancre, s’il le faut, dans un étang à canards, et lâchera des bordées dans les fenêtres de toute maison à portée qu’il vous plaira de n’indiquer. Mais vingt soldats de marine ! Ils vont encombrer mon petit navire.

— Il serait imprudent d’en prendre un de moins, répondit Griffith ; il est possible que nous trouvions plus de besogne que nous n’en cherchons !

Barnstable comprit parfaitement à quoi son ami faisait allusion, et cependant il ne resta pas sans réplique.

— Prenez des marins, dit-il, et je trouverais place pour trente. Les soldats ne savent ranger leurs bras et leurs jambes que lorsqu’ils font l’exercice. Chacun d’eux tiendra autant de place que deux matelots. Ils suspendent leurs hamacs sens devant derrière, et mettent tout sens dessus dessous quand on leur fait l’appel. Diable ! Monsieur, vingt soldats de marine mettront la confusion sur mon bord.

— Donnez-moi votre chaloupe, capitaine Munson, s’écria Manuel avec indignation ; nous suivrons M. Griffith dans une barque découverte, plutôt que d’occasionner tant d’inconvénients à M. Barnstable.

— Non, non, capitaine, s’écria Barnstable en lui tendant cordialement la main ; vous deviendriez autant de Jonas en uniforme, et je ne sais si les baleines pourraient digérer vos gibernes et vos baïonnettes. Vous viendrez avec moi, et vous verrez de vos propres yeux si l’équipage de l’Ariel dort aussi paisiblement que vous le prétendez.

Manuel parut un peu décontenancé, et l’assemblée rit encore à ses dépens, à l’exception du pilote et du capitaine. Le premier, les yeux fixés sur sa carte, ne paraissait faire aucune attention à ce qui se passait, quoiqu’il écoutât tout avec le plus vif intérêt et