de la pièce d’or ; mais il n’est pas aussi facile de se débarrasser du reproche d’aristocratie.
— Et cela en présence de son emprisonnement, de son isolement, de son abandon, de son sort à venir ? Je ne vois pas dans tout cela une ombre d’aristocratie.
— Mais j’en vois beaucoup, et le voisinage avec moi c’est déjà la conversation de la moitié du comté ; en un mot, nous en parlons tous, à l’exception de quelques hommes intelligents. Vous verrez, Esquire Dunscomb, qu’aux yeux de la foule il y a deux espèces d’aristocratie : votre espèce et la mienne. La vôtre est un état dans la société, qui donne privilège et puissance à un petit nombre, et s’en tient là : c’est ce que j’appelle de la vieille aristocratie, dont on ne se soucie guère dans ce pays. Nous n’avons pas de tels aristocrates, j’en conviens, et par conséquent ils sont tout à fait insignifiants.
— Cependant ce sont, après tout, les seuls vrais aristocrates. Mais quelle est la vôtre, et de qui se compose-t-elle ?
— Voyez, maintenant. Vous, Esquire, vous êtes dans votre genre une espèce d’aristocrate. Je ne sais comment cela est ; — je comparais à la barre comme vous, j’ai tout autant de droits que vous.
— Plus, Timms, si le hangar et la faculté de conduire les jurés par le nez peuvent être comptés parmi les droits.
— C’est vrai, plus, sous certains rapports, c’est possible. Néanmoins, il y a une différence entre nous, une différence dans nos allures, dans notre langage, dans nos idées, dans notre manière de penser et d’agir, qui vous élève au-dessus de moi d’une façon que je n’aimerais pas dans tout autre homme. Comme vous avez beaucoup fait pour moi, Monsieur, quand je n’étais qu’un enfant, et que vous m’avez porté à la barre sur vos épaules, pour ainsi dire, je vous considérerai toujours, quoiqu’il me faille avouer que je n’aime pas toujours même votre supériorité.
— Je serais fâché, Timms, d’oublier assez mes propres imperfections, au point de faire avec dureté parade des quelques petits avantages que je puis avoir sur vous ou sur tout autre, grâce aux hasards de la naissance et de l’éducation.